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L’éthique de travail

L’enfer sur terre, à titre personnel.

J’ai une éthique de travail à chier.

Pour être polie.

Quand j’entends mes camarades d’école ou mes anciens collègues, tous très brillants et intelligents, parler de leur boulot, c’est une avalanche de gens incompétents autour d’eux, dont ils rattrapent les bourdes. Une nuée de projets, d’heures supplémentaires, de « je n’arrive pas à m’arrêter de bosser ou à prendre des pauses quand je suis en télétravail ».

Bah pas moi.

Moi, j’ai du mal à me mettre à bosser.

Moi, je rédige cette article sur son temps de travail – et je le publie, ce qui est un aveu bien stupide, alors considérez que c’est un effet de style et que je suis en pause, s’il vous plaît. Ou même chez moi. Vous n’en savez rien !

Moi, je ne bosse bien qu’après avoir procrastiné des heures, après avoir tout fait pour éviter, après avoir vidé toutes mes réserves alimentaires qui me distraient.

Et je me sens coupable.

Et je respecte tant ceux qui bossent, pour qui c’est le minimum, pour qui la bonne volonté et le labeur ne sont pas des idéaux inatteignables, mais des réalités quotidiennes. Avec un peu plus de pincettes, j’admire ceux qui me disent qu’ils n’ont jamais pris un jour de congé, qui ont porté une entreprise à bouts de bras pendant trente ans, qui bossent les week-ends ou les soirs pour porter une vision et un devoir. Même si je sais que ce n’est pas pour moi, et que ce n’est pas quelque chose que mon entreprise devrait attendre de moi. Que peut-être, un jour, la passion aidant, je pourrais faire ça.

Pour l’heure, mon travail est un présentéisme. Attention, je le fais bien. Je remplis mes objectifs, ou du moins ceux que mes supérieurs ont pour moi, j’essaie même de m’améliorer sur les points qu’ils me donnent – en l’occurrence, grosse surprise, le réseautage intra-entreprise et l’esprit d’initiative et d’exhaustivité. J’ai des promotions, j’occupe la place attribuée à la satisfaction de mes employeurs.

Et pas plus.

Et je ne vais pas plus loin, je n’y arrive pas. Je « sauve les meubles ». Je sais que je pourrais en faire plus, ou plutôt que mon potentiel fantasmé – forcément « haut » -, pourrait faire les choses mieux. Que les choses pourraient être mieux faites.

Pas par moi.

Je ne fonctionne que sous pression.

Je marchande avec les devoirs que je perçois. Je ne suis pas une bonne perfectionniste (ah!), je vois la vision parfaite et je refuse de faire des efforts pour l’atteindre, de ne pas me contenter du strict minimum.

Je gère ma culpabilité comme je le peux.

L’école m’a appris que je peux me reposer sur les feedbacks et les attentes souvent médiocres des autres, du système.

Je souffre d’un manque d’intensité, d’intérêt pour mon travail. Pour beaucoup de choses, en vérité. J’apprends peu à peu à retrouver l’intensité de mes intérêts, malheureusement – ou pas, ce serait triste, en vrai -, aucune intensité ne s’est éveillée pour le sujet de mes pérégrinations professionnelles (à savoir, les taxes et reportings fiscaux internationaux <3).

Je réitère, pour l’éventuel collègue qui passerait par-là, je fais mon boulot.

Vous non plus, il ne vous intéresse pas vraiment, pas vrai ? Pitié, dites-moi que je ne suis pas la seule !

Avec les années, j’apprends à apprivoiser ce temps de travail que je ne passe pas à travailler, mais qui est indispensable à mon travail, à me mettre en état de travailler efficacement (et vite).

Parfois, ça dérape, et la moindre demande de mon travail m’emplit d’une sorte de colère : comment, je ne puis plus faire autre chose ?! Je ne puis plus me distraire, écrire, lire, faire des projets, faire des listes, trouver les cadeaux de Noël, je dois travailler ?

Bon. La pression se manifeste à nouveau. Les deadlines, les demandes, les mails auxquels répondre.

Tous mes boulots, depuis que je travaille, ont fini ainsi. Je me croyais brisée, maudite.

Je me protège. Je ne sais pas travailler autrement. Je ne sais pas comment je ferais un boulot où je ne peux pas organiser mon temps ainsi. Comment font-ils, ceux qui doivent effectivement travailler huit heures par jour ? Cela a dû arriver une ou deux fois dans ma vie, et ce n’était pas beau à voir.

M’apprivoiser.

Je ne peux pas être mon potentiel, huit heures par jour.

Je suis pleine de contradictions, et je dois me juger à l’équilibre, la moyenne, au résultat final.

Ça vous parle ?

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