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Les vacances avec un TSA

Copenhague

J’ai pris deux semaines de vacances cet été. À part les vacances de Noël, qui sont généralement un peu spéciales et rythmées par les célébrations familiales, c’était mes premières vacances officiellement diagnostiquée autiste.

Je suis allée à Copenhague, au Danemark. J’ai toujours été attirée par les pays du Nord occidental. L’Allemagne, notamment, est un pays où je suis allée souvent et où je me sens à l’aise. Les cultures de ce type me conviennent, car les gens ne sont pas envahissants, ils sont aussi plutôt directs et honnêtes, serviables mais seulement si on les approche. Le climat était aussi particulièrement agréable (20-25°C max).

Culture

Je me suis longtemps sentie coupable d’avoir peur et d’être mal à l’aise dans d’autres parties du monde. En Afrique du Nord, j’étais mal à l’aise avec la culture de la négociation marchande, les vendeurs qui interpellent sans cesse les touristes dans les rues, les regards et remarques de certains hommes (et j’avais 12 ans. Oui, je sais qu’offrir des chameaux à mon grand-père est une forme de blague, mais je n’étais pas à l’aise). La chaleur étouffante.

L’inde, c’était principalement les mendiants insistants, souvent de jeunes enfants, portant des bébés, tirant sur ma manche (j’avais 11 ans. Il devait en avoir 8), une forme d’insécurité et de chaos, entre le bruit, la chaleur, les odeurs, la circulation infernale, les rickshaws (les taxis scooters), la peur latente de se faire avoir, la conscience forte d’être touriste.

Aux Etats-Unis, c’était une forme de sur-sociabilité, une « friendliness » assez creuse. Les « hi, how are you » qui n’appellent pas de réponse, les vendeurs collants dans les boutiques, les sourires étincelants qui n’ont pas de suite. Le pays de la small-talk, avec un assaisonnement de religion assez étrange pour moi, biberonnée à la laïcité : j’y étais pour le travail (j’avais 22 ans), et une collègue rencontrée dix minutes avant m’a demandé, comme première question, quelle était ma religion. Plusieurs collègues m’avaient aussi dit qu’ils « priaient pour moi » lorsque j’avais perdu ma grand-mère, ce que j’avais également trouvé un peu étrange par rapport à ma culture.

Apprécier le voyage

Pour la première fois, j’ai réalisé à quel point les vacances peuvent être une surcharge, et à quel point elles peuvent être « subies ». J’ai grandi avec une famille nombreuse, et je suis très heureuse d’avoir pu faire de beaux voyages et d’avoir vu des choses dans le monde, mais, sur les premiers jours à Copenhague, allant un peu mieux, reposée, je me suis rendue compte qu’il était bien plus simple de profiter quand on a la capacité mentale de le faire.

Ado, jeune adulte, il y avait un programme (avec lequel j’étais d’accord), et je le suivais, et j’emmagasinais sans avoir la capacité d’être dans le présent et d’éprouver une vraie joie en voyant des choses fascinantes (je suis quand même heureuse de les avoir faits, ces voyages. Mais j’éprouvais une forme de culpabilité et d’insensibilité de ne pas en profiter assez, ne pas ressentir assez, ne pas me souvenir assez).

Là, j’ai eu de la place dans ma tête pour profiter, et c’était un éclat de ce que la vie pourrait être. Un indice de la fatigue permanente dans laquelle je suis, depuis si longtemps. J’aspire à dormir, à ne rien faire pendant des mois.

Sauf que je ne supporte pas de ne rien faire. Quand je suis fatiguée, je ne veux plus rien faire, ni voir des gens, si faire des arts créatifs, ni regarder des documentaires intéressants ou lire. Je pourris sur le canapé, scrollant sur Instagram, je m’ennuis sans capacité de faire autre chose, je finis par avoir une migraine, souvent, le week-end, ou pendant les vacances, si je n’ai rien prévu. Il me faut donc des activités qui rechargent, plutôt que ne rien faire : lire, de préférence en lien avec un intérêt spécifique, créer, etc.

Supporter le voyage – astuces

  • Limiter ses prétentions : ne pas prévoir 4 ou 5 visites par jour, ne pas se dire qu’on va sortir de 8h à 23h, prévoir des temps de repos à l’hôtel, dans un parc…
  • Prévoir ou suivre quelqu’un de safe : lorsque je vais quelque part toute seule, je regarde où me garer, que faire, comment aller à l’hôtel, quel bus prendre… Quand je voyage avec quelqu’un, soit je fais pareil, soit je me repose sur l’autre, si c’est bon pour lui. Seule, je stresserais de ne pas savoir comment aller à l’hôtel. Avec mon copain, je sais qu’on y arrivera (en plus, il a le sens de l’orientation, contrairement à moi…).
  • Se préparer à faire des changements si besoin : intégrer dans son organisation une marge de manœuvre, un « imprévu » quelconque. Savoir quelle activité sautera si on n’a pas l’énergie, ce qu’on veut absolument faire et ce qui peut être annulé au dernier moment. Sur ce genre de points, j’ai la chance immense de voyager avec quelqu’un de compatible, qui ne cherche pas à « tout faire, tout voir, rentabiliser le voyage ». Qui recherche les restos à l’avance et m’y emmène (j’ai aussi la chance de pouvoir trouver des « safe foods » sur tous les menus et de ne pas avoir d’angoisse alimentaire liée aux restrictions possibles. Tant qu’il y a du coca zéro… :))
  • Prévoir des aides sensorielles type casque anti-bruit, fidget toy, couches de vêtements pour la température, sac à dos confortable pour se sentir rassuré par le poids et par la présence de notre maison sur le dos, snacks, peluche… Honnêtement, avoir un smartphone avec internet me rassure beaucoup et me permet de moins tout organiser à la minute près (ce que je déteste faire car je ne peux pas m’y tenir).
  • Ne pas hésiter à se restreindre à des voyages « safe », ou augmenter les mesures pour se rassurer si on veut faire un voyage « stressant ». Je suis beaucoup plus zen de partir au Danemark qu’en Inde par exemple, car au Danemark tout le monde parle anglais, une langue que je parle couramment, la culture me convient, je peux trouver des supermarchés pour trouver des produits pas trop différents, de la nourriture pas trop exotique, une température convenable, des gens pas intrusifs, une couverture internet, une carte bleue qui fonctionne et est acceptée partout… (attention, le Danemark n’a pas l’euro. On avait une carte qui peut payer en couronne, reliée à internet, et on n’a jamais eu d’espèces locales). C’est beaucoup d’éléments rassurants pour apprécier le tourisme, et pas seulement être en stress tout le temps. Il y a aussi moins d’avion, et c’est un direct (même si j’ai été très malade au retour car j’ai le mal de l’air <3).

Et vous ? C’est quoi, les vacances qui vous ressemblent ?

2 réponses à « Les vacances avec un TSA »

  1. Avatar de Laurent
    Laurent

    Mes voyages? solitaires depuis l’âge de 19 ans (j’en ai 47 maintenant).
    C’est aussi ce besoin d’être safe et de tout prévoir à l’avance. Il me faut du confort (hôtel confortable, restaurants corrects, environnement sain et propre fréquenté par des gens calmes et pacifiques), de la chaleur aussi ou a minima de la douceur (voyages en hiver exclus). (Du coups, voyages rares ou courts car les finances ne suivent pas….)
    La trouille m’empêche de partir loin et trop exotique (le plus loin où je pourrai aller sera Inverness je pense (j’ai une petite histoire d’amour avec les paysages écossais, un coup de foudre de mes 10 ans) ; jusqu’à présent, je fais le tour de France (visite de mes amis compris) et Genève-Lausanne (la Suisse si proche et francophone est un must pour moi))), et l’avion est inenvisageable. Donc c’est le train et les villes (desservies par le train). (Paris-Copenhague en train, cela se fait, j’ai vérifié !) (je suis en capacité de rester 7h à une fenêtre de train à juste regarder défiler le paysage avec de la musique dans les oreilles, aucun ennui ! (je l’ai déjà fait dans un direct Brives-Lyon via Saint-Étienne) la condition est que j’aie une place bien isolée, ou si il y a du monde dans le train, il faut que je crée une bulle isolante))
    Activités principales : musées (y compris zoologiques, histoire naturelle, aquariums (j’adore, merveilleux Nausicaa et Aquatis !)), randonnées et parcs (jardins botaniques incontournables), châteaux et cathédrales, concerts de musique classique si possible (l’été à la Cathédrale de Genève est génial, chaque samedi à 18h), le reste, repos à l’hôtel, contemplation et méditation depuis la fenêtre de l’étage le plus haut, lectures intensives (dans les parcs si possible) et j’emmène mes travaux artistiques, car c’est en voyage que je crée le mieux. (Mon « Car il y aura d’autres Kafka » est né au jardin botanique de Genève)

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    1. Avatar de Haut Potentiel d'Aventure

      C’est beau !

      Se connaître ça change tellement de choses. J’essaie encore de comprendre ce qui me réussit ou pas.

      Je ne crée pas souvent en voyage (j’aimais faire des cahiers type scrapbooking enfant, ceci dit, et j’aime toujours l’idée mais ne prends plus le temps), je crois que le voyage est trop fatiguant, et me met dans une phase de contemplation plus que de création. Je grandis en voyage, pour écrire plus tard.

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