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Réflexions sur la sociopathie (trouble de la personnalité antisociale)

Confessions d’une sociopathe – M. E. Thomas

Le livre

Ce livre, dont l’auteur écrit sous pseudonyme, est un témoignage personnel d’une femme diagnostiquée « sociopathe », c’est-à-dire avec un trouble de la personnalité antisociale. Ses traits principaux sont une absence de peur ou de sentiments dépressifs, une absence d’empathie émotionnelle, une préférence pour la compréhension intellectuelle du monde et des autres, une forte tendance à la manipulation, une absence de sentiment de culpabilité, mais avec une possibilité de regretter les conséquences des actions, ainsi qu’une impulsivité, une tendance à la prise de risque et à la violence.

L’auteure a découvert son trouble sur le tard, dans la fin de la vingtaine, à la suite de difficultés personnelles et professionnelles (renvoi, difficultés sociales…). Elle a ensuite ouvert un blog pour échanger sur ce trouble, très stigmatisé, en gardant l’anonymat, puis elle a décidé d’écrire le livre, afin de partager ses réflexions sur la place des personnalités antisociales dans la société, et ce qu’ils ont à lui apporter.

Une histoire d’exclusion sociale

J’ai trouvé le livre fascinant, car l’auteur décrit, de façon très analytique, la façon dont son cerveau fonctionne. J’avais peur de m’y retrouver, qu’il s’agisse d’un effet Barnum (voir l’article), c’est-à-dire d’auto-conviction, ou de traits réels, car j’ai beaucoup de culpabilité liée à ma façon d’éprouver de l’empathie et mon contact aux autres.

Beaucoup de points me font me sentir proche de l’auteure, notamment le fait de se sentir différente depuis l’enfance, la difficulté à se placer vis-à-vis des autres, et le côté très intellectualisé pour se gérer. Sa façon de comprendre les autres intellectuellement, avec l’impression de ne pas ressentir leur souffrance (il y aurait un article entier à écrire sur la façon dont je le fais, effectivement). La difficulté à savoir se placer et les questionnements sur la raison pour laquelle le bonheur des autres n’est pas applicable à soi. L’impulsivité, la reconnaissance que les construits sociaux sont bien souvent absurdes, du patriotisme au fait d’être persuadé que seuls les monstres sans conscience font du mal, et que les « gens normaux » pensent qu’ils ne peuvent pas faire de mal à une mouche.

Le fait d’être un visage, un masque, de se mettre en forme pour plaire aux autres, les manipuler – comme s’ils étaient juste la version plus apte socialement d’un jeune autiste rejeté qui apprend à masquer.

L’auteur indique plusieurs fois ne pas être certaine qu’elle ne tuera jamais, ou ne fera rien de mal, alors que son code de conscience – basé sur les raisons pour lesquelles il vaut mieux suivre les lois – le lui interdit.

Eux et moi

Je crois que je me sentirais coupable si je tuais quelqu’un. Et que je me sens coupable depuis longtemps parce que je pense savoir que je pourrais m’en remettre, pourrais trouver des justifications à mes actes, pourrais rationaliser. Je me sens coupable de même me poser la question (voir l’article), d’y réfléchir, de ne pas affirmer de façon péremptoire que non, pas moi, ça ne m’arrivera jamais. Le fait est que je n’imagine aucunement en tirer du plaisir. Que mes émotions sont difficilement identifiables, comme celles des autres (voir l’alexithymie), mais je les éprouve. J’éprouve peu de remords parce que je ne fais pas grand-chose, et encore moins de façon irréfléchie, mais je regrette mes erreurs, mes manquements, mes coups de sang auprès de mes proches, j’éprouve de la honte (fût-ce uniquement vis-à-vis de moi-même), de la peur (et pas qu’un peu, même si les peurs physiques sont assez contrôlées), un manque de confiance en moi (sur pleins de plans spécifiques), des sentiments dépressifs.

Bref, j’avais peur de lire ce livre et de m’y reconnaître (est-ce déjà un indice que je ne suis pas ainsi, je n’en suis pas sûre).

Tous sociopathes ?

Il y a des traits autistes et des traits sociopathes, qui ne font pas les autistes et les sociopathes. Certains se recouvrent ou se croisent – l’exclusion et le traumatisme, qui sont une partie des raisons du trouble antisocial et des conséquences des troubles du neurodéveloppements ne sont probablement pas innocents. Il y a les mêmes incertitudes sur les origines, et une foule de stigmas sociaux liés – l’autiste n’éprouve rien mais est « innocent », le sociopathe « coupable et monstrueux », la personne avec TDAH « fainéante et sans volonté ».

Je crois qu’il est important de reconnaître l’humanité derrière tout ça.

Et qu’il est aussi important de se rendre compte qu’on ne peut pas entièrement se mettre à la place des gens, savoir exactement comment ils pensent, et savoir exactement en quoi nous leur ressemblons.

L‘humanité est un mystère. Neuroatypique ou non. Je me suis sentie plus proche de cette femme que de bien des héros de livres, je l’ai trouvée logique et claire, sur un plan qui avait du sens pour moi. Mais cela ne signifie pas que notre expérience est la même, loin de là.

Très curieuse des retours d’autres qui auraient lu ce livre, ou sur ce sujet.

Une réponse à « Réflexions sur la sociopathie (trouble de la personnalité antisociale) »

  1. Avatar de À quinze ans, je pensais être sociopathe – Haut Potentiel d'Aventure

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