Novembre 2021 : résultats du test de QI. Début des lectures.
Printemps 2023 : ouverture du blog, de la page Instagram, publication de L’Expérience de la fragilité.
Septembre 2023 : résultats des tests neuropsychologiques qui établissent un autisme de haut niveau.
Je vais mieux. J’accepte que je vais parfois mal. Que je ne suis pas cassée, pas bipolaire. Je comprends mes humeurs, mes difficultés, en partie. Il en reste beaucoup, que l’autisme ou le hpi n’expliquent pas, il reste beaucoup de difficultés que ces mots me prédisent et que je n’ai pas.
Je m’adapte si efficacement que je ne sais pas faire la différence entre ce que j’attends de moi, ce que je veux, et ce qui me serait bénéfique. Tout s’est effacé, j’ai dissocié, j’ai eu si longtemps l’impression de ne pas exister. Et, aujourd’hui, j’ai quelques indices qui m’aiguillent, qui me disent pourquoi.
Quête de sens et ennui (HPI, autisme, TDAH ?)
Ce sujet mérite un article à part, mais, globalement, il semble assez fréquent que les HPI, les autistes et les personnes atteintes de TDAH aient besoin que leur emploi ait du sens pour eux. Pour le HPI, on peut citer le besoin de stimulation intellectuelle ainsi que le besoin de sens en tant que tel, même s’il faut rappeler que le HPI n’est pas un diagnostic médical et n’est pas basé sur des traits de caractères, mais bien uniquement le QI. Il s’agit donc ici de retours de témoignages et de psychologues qui soulignent une plus grande insistance sur ces points. Après, bien sûr, le besoin de sens, de stimulation et de justice sont inhérents à l’être humain.
Du côté de l’autisme, on peut souligner un sens exacerbé de la justice (ce que je fais ne sert à rien ou fait le mal), une tendance à la réflexion « en noir et blanc » (je ne suis pas vraiment heureuse car le bonheur est un concept vaste et écrasant qui n’admet pas la nuance), et une difficulté à accepter les compromissions sur les grands sujets. De plus, les autistes ont tendance à se consacrer préférentiellement à leurs intérêts spécifiques et sont apaisés et revigorés en le faisant, donc si leur emploi n’a rien à voir ou ne les intéresse pas, il est plus difficile de s’y consacrer et d’y trouver du sens (en plus des autres difficultés d’ordres social et sensoriel, que la personne a plus de mal à ignorer si elle n’est pas intéressée ou soulagée par un intérêt spécifique ou un stim agréable).
De plus, le HPI (selon Tinoco, Blasco et Gianola que j’aime bien citer) comme l’autisme peuvent se caractériser par une difficulté plus grande à prendre pour acquis le sens que la société donne aux choses : les personnes pourraient avoir tendance à moins facilement prendre comme objectifs les attentes sociales (par exemple les promotions fréquentes, les augmentations, la belle voiture, etc., pour caricaturer un peu) et à avoir besoin de leurs propres objectifs, et donc à être moins soutenus par le fait qu’ils « réussissent ».
Pour le TDAH (que je n’ai pas fait diagnostiquer mais que je suppute), on peut souligner une propension à s’ennuyer plus rapidement une fois qu’on a l’impression d’avoir fait le tour d’un sujet, l’impulsivité, le besoin de changement (d’autant plus avec le HPI qui nous fait faire le tour parfois plus vite).
Bien sûr, ces points sont caricaturaux, et je n’ai pas fait beaucoup de recherches pour les étayer statistiquement, il s’agit surtout de thèmes qu’on retrouve beaucoup sur les réseaux et dans les livres de psychologues. Pour autant, ils me permettent d’éclairer un peu mon cas personnel, avec la sensation d’être décalée à l’école, de ne pas me sentir vraiment en adéquation, en pleine présence, à me demander quel est le but final, à rejeter les valeurs explicitées quand elles me semblent en contradiction avec les valeurs que je ressens. Par exemple, la méritocratie et la valeur-travail : que le HPI m’ait permis d’avoir de bons résultats en travaillant peu, c’est une chose. Que j’en ait conçu un sentiment profond de culpabilité et de décalage, car j’avais intégré les valeurs explicites et rejetait les valeurs ressenties, c’est probablement plutôt l’autisme, et le sentiment d’injustice vis-à-vis des autres, voire de dette accumulée vis-à-vis de « mon potentiel ». De plus, j’ai tendance à me lasser très vite et à avoir beaucoup de mal à me consacrer à un sujet qui ne m’intéresse pas, ou selon les règles d’autres (par exemple, les dissertations formelles qui me semblaient répondre à des sortes de règles cachées et claires pour les autres).
Autre point : bien que j’aie beaucoup, dans ma vie, discuté de ces sujets avec les autres, et aie toujours eu un peu de place pour le faire, j’ai toujours eu du mal à trouver l’écho exact de ce que je ressentais, peut-être à cause de difficultés sociales (j’ai du mal à inférer les pensées de quelqu’un de ce qu’il dit) ou de mon sentiment de culpabilité (car les autres, au moins, se passionnent les premiers mois, ou se donnent à fond, ou sont loyaux envers leur entreprise, etc.). Cela accentue le sentiment de solitude, et, finalement, impacte l’impression de sens.
Enfin, j’ai tendance à beaucoup ressasser et à chercher toujours une sorte de modèle, à vouloir percer intellectuellement le mystère des règles sociales. J’ai donc passé beaucoup de temps, souvent inconsciemment, à essayer de me glisser dans un moule parce que j’imaginais le devoir, que c’était l’attendu, que tout le monde devait passer par là. Cela ressemble aux comportements de masquage, qui chez moi sont très internalisés, transformés en mes propres attentes envers moi-même plutôt qu’en peur, à chaque interaction, de ce que pensent les gens. Ces conformismes s’expriment finalement peu dans mes interactions (ou seulement rarement), mais s’expriment beaucoup dans ce que je pensais être mes valeurs et mes attentes. Je suis trop paresseuse, une mauvaise personne (car je me pose des questions horribles, ce qui est très présents dans les comportements compulsifs, que j’aimerais encore explorer), je n’ai pas d’envies ou d’avenir car je n’arrive pas à me projeter dans les attendus.
La notion de potentiel
L’école ne m’a jamais appris à travailler
Quand notre cerveau nous fait honte : les ressassements
Le burn-out autistique
Qu’est-ce que le burn-out autistique
Dissociation et déréalisation
Un conte d’hyper-intellectualisation et de dissociation
Les points précédents, la quête du sens, l’ennui, poussent plutôt à un bore-out, à une vaste lassitude face à l’absurdité et l’inconséquence du monde.
Le burn-out autistique, lui, explique plutôt la fatigue immense, la lassitude physique, la désenvie de vivre. Le problème, c’est que l’ennui, le rejet de la société, l’angoisse de ne pas savoir quoi faire prennent beaucoup d’énergie, de bande passante mentale. Si on ajoute les difficultés autistiques, que j’ai longtemps ignorées, qui étaient inconscientes, on obtient un super cocktail pour le burnout, puis la dissociation et déréalisation, qui ont été très délétères pour ma santé mentale. Aujourd’hui, je me dis que si j’ai travaillé à ignorer le monde, mes sentiments et mes sensations, c’était autant parce que j’étais déjà déprimée que pour tenir à distance toutes ces sensations, humeurs et émotions. J’ai rejeté l’émotivité comme une faiblesse, puis les sensations comme une faiblesse, une absurdité. Aujourd’hui, je redécouvre la puissance que peuvent avoir les émotions, quand on les accepte, quand on les accueille. Je me redécouvre aussi craignant certains bruits, certaines odeurs, certaines stimulations. Certaines humeurs, certes noires certains jours, mais aussi joyeuses, admirant la beauté infinie d’un concept, d’un intérêt.
Je me suis si longtemps sentie vide, hyper-intellectualisée, loin de tout, mais je commence à me demander si ce n’était pas une réponse à un trop-plein dont je ne savais pas me protéger. Par lequel j’avais peur d’être consumée ?
Je continue à y réfléchir 😉
Vous en pensez quoi ?

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