C’est quoi un saut de classe ?
En faisant quelques recherches, j’ai découvert qu’il y avait en fait plusieurs parcours de saut de classe possible, et qu’en théorie, je n’avais pas sauté une classe, mais glissé. En gros on peut :
- Passer à la rentrée dans la classe au-dessus de celle qui est censé suivre la classe précédente. C’est le saut de classe classique, par exemple pour un élève de grande section qui sait déjà lire et peut rentrer directement en CE1 à la rentrée suivante.
- Changer de classe en cours d’année : il s’agit d’un glissement, généralement lié à l’inadaptation, voire la souffrance de l’élève.
- Faire les deux années en une : il y a parfois des classes doubles, et un élève en avance dans le niveau inférieur pourra étudier également le matériel de l’autre année pour valider les deux années d’un coup.
Le gouvernement a essayé d’encadrer la prise en charge des « élèves intellectuellement précoces ». Il prévoit un possible saut de classe (« scolarité accélérée »), mais s’intéresse également aux HPI qui « bien que présentant de remarquables capacités intellectuelles, ne réussissent pas dans les apprentissages scolaires« . Le but est d’encadrer les sauts de classe, mais aussi de former le personnel enseignant et encadrant afin qu’ils puissent adapter l’enseignement aux petits HPI.

https://www.education.gouv.fr/bo/2009/45/mene0900994c.html
Un bel idéal, mais qui, si on en croit les témoignages nombreux sur les forums, se heurte à de nombreuses limites, notamment la mauvaise formation des dits personnels, leurs réticences à reconnaître les spécificités et besoins spécifiques des HPI (ils s’adapteront, ils ne vont pas se plaindre en plus, ils sont dissipés, c’est la bonne excuse… on adore !), les difficultés à adapter les activités entre manque de temps et de moyens, sureffectifs dans les classes, et manque d’instructions claires quant au « parcours idéal » à offrir. Souvent, les HPI dont on se préoccupe ne sont que ceux qui font des vagues.
Quelques chiffres
En 2014, 5% des candidats au bac avaient au moins un an d’avance.
En classe de sixième : 8 à 9 % des enfants de professions libérales ou de professeurs sont “en avance”, ce n’est le cas que de 1% environ des enfants d’ouvriers.
Au bac, 5,4% des garçons sont “en avance”, contre 4,5% des filles. Les Augustin et les Lise présentent des résultats moyens au bac équivalents (et bons), mais seulement 3% des Lise ont un an d’avance, contre 10% des Augustin.
Le saut de classe est donc une réalité numérique :
- qui ne touche pas que les HPI (parfois, il y a une avance qui se résorbe, par exemple l’élève sait lire, est assez mature, et saute le CP), puisque les HPI seraient entre 2 et 2,5% des enfants, et 5% sautent une classe. De nombreux HPI, de plus, n’en sautent pas.
- qui a également une réalité de genre et de classe : on a montré que la disposition neurologique « HPI » est présente dans toutes les classes sociales, mais le saut de classe est très inégalitaire, à cause des préjugés de l’école, des parents et des élèves qui conduisent à des rapports à l’école, au travail et à la réussite différents, et à des retours différents de la part de l’institution, et des moyens et capacités de se renseigner ou de réclamer un saut de classe à l’école.
La petite noblesse de l’intelligence, Wilfried Lignier
Une histoire de personnalité

Bien sûr, on lit des témoignages dans les deux sens. Ceux pour qui le saut de classe a été une bénédiction, et ceux pour qui ça a été un enfer. Ceux qui se sont bien intégré, ceux qui ont fini par redoubler, ceux qui ont été moqués et/ou chahutés pour leur avance et leur statut de premier de classe ou de petit génie. Chez certains, cela développe une estime de soi, chez d’autres, c’est l’inverse.
Globalement, il me semble que l’élément important est l’état d’esprit de l’enfant et son bonheur. S’il est malheureux, s’il exprime le besoin de faire des choses plus intéressantes, l’envie de changer de classe ou celle de quitter l’école, le saut de classe peut être une expérience intéressante et constructive. Si, au contraire, l’enfant est à l’aise avec ses facilités, se sert de son temps libre pour se déployer, soit en explorant son imagination, en dessinant, en allant plus loin que les exercices, en aidant ses camarades, cela pourrait être contre-productif de lui faire sauter une classe. Surtout si l’objectif est de le challenger et d’en faire un gros travailleur s’il n’en exprime pas l’envie.
Mais, bien sûr, on ne sait pas ce qu’on deviendrait sur les chemins alternatifs. Peut-être que l’élève avec des facilités, qui bâcle son travail ou qui ne prend pas l’école au sérieux deviendrait travailleur avec un saut de classe, et éviterait l’écueil bien connu du surdoué qui arrive au collège, au lycée ou à la fac et se prend un mur car écouter, parfois, ne suffit plus. Je pense qu’il serait bon de suggérer d’autres moyens de développer une certaine valeur-travail, pas forcément à l’école, si on sent monter le désintérêt ou l’ennui.
Malheureusement, un enfant inadapté au système scolaire risque de ne pas l’être non plus au niveau supérieur. Il y aura peut-être un peu plus de challenge, certes, mais il sera parfois nécessaire d’adapter un peu plus, grâce aux écoles spécialisées ou à l’enseignement à la maison. Cependant, je pense que ces alternatives peuvent être envisagées seulement en second temps, après un essai de saut de classe.
Conclusion
Dans le billet de jeudi, je partagerai ma propre expérience du saut de classe, entre gratitude (je pense que ça a sauvé mon parcours scolaire) et limites (je n’étais pas plus heureuse à l’école ensuite, d’après ma mère, le mieux a duré trois mois).
J’aimerais pouvoir dire qu’il existe une solution adaptée à tous, mais les expériences peuvent être si différentes, et si intenses, et vécues de façon si solitaires, que je n’ai pas de conseil absolu. Essayer peut être une bonne idée (une semaine dans une autre classe, si l’école veut bien l’autoriser). Discuter avec l’enfant. Être réactif : plusieurs essais sont possibles, mais le mal-être peut cristalliser vite. Ne pas hésiter à se faire aider, et à consulter plusieurs personnes si nécessaires : psychologues, référents scolaires si l’école met des bâtons dans les roues, autres parents…
Aucune solution n’est parfaite et ne garantit que l’enfant ne sera jamais en souffrance, mais cela fait aussi partie de son développement, et il sera peut-être reconnaissant des pires expériences, un jour. Alors parlons-en, et soyons capable d’expliquer nos décisions, pour moi, c’est le plus important !
Mon expérience : https://hautpotentieldaventure.com/2023/04/20/anecdotes-mon-saut-de-classe/


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