Je ferai un article pour évoquer ma propre histoire de la dépression. Pour cette fois, je vais lister les recherches scientifiques et l’état des connaissances sur le lien entre dépression et douance.
C’est quoi la dépression ?

La dépression est un trouble psychiatrique qui touche l’humeur et l’entrain à vivre. Elle touche, selon l’OMS, 3,8% de la population, soit 5% des adultes, et 5,7% des plus de soixante ans.
Le DSM-5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association Américaine de Psychiatrie) cite neuf critères de repérage d’épisodes dépressifs :
- Une tristesse permanente
- Une anhédonie (réduction de la sensation de plaisir, y compris dans des activités jusqu’alors appréciées, perte d’intérêts)
- Variations de poids (au moins 5%) sans régime particulier
- Insomnies ou hypersomnies (dormir trop ou trop peu)
- Ralentissement psychomoteur
- Fatigue
- Sentiment de dévalorisation
- Diminution de la capacité de concentration
- Idées suicidaires : 5 à 20% des patients traités pour dépression se suicident.
D’autres signes peuvent être présents, par example s’isoler, ou au contraire faire preuve d’un surjeu relationnel pour compenser, être irritable, avoir des difficultés à effectuer des tâches (flemme, difficultés dans les tâches même les plus quotidiennes comme la douche ou les courses, difficultés professionnelles ou scolaires…), parfois aussi faire preuve d’hyperactivité fébrile.
La dépression est une maladie complexe, dont les symptômes sont parfois contradictoires ou paradoxaux, et qui peuvent parfois facilement être masqués par ceux qui en souffrent, par volonté de faire croire qu’ils vont bien, tendance chronique à s’adapter, ou peur d’être incompris ou de faire souffrir leur entourage. Elle peut être permanente ou fluctuante, chronique ou circonstancielle. Sa durée moyenne est de 23 semaines.
La dépression existentielle du surdoué
Y a-t-il une dépression du surdoué ? Les surdoués sont-ils particulièrement déprimés ?
Il semble que les surdoués sont particulièrement sensibles à un certain type de dépression, la dépression ou crise existentielle. Cependant, statistiquement, les surdoués sont moins souvent déprimés que la moyenne.
Alors, qu’est-ce que la dépression existentielle, et quels sont les facteurs de risques du surdoué vis-à-vis de la dépression ?
Le surdoué pense trop, à des sujets complexes
Irvin Yalom, dans Existential Psychotherapy (1980), décrit quatre préoccupations ultimes qui ne peuvent trouver de réponse absolue et peuvent conduire à la dépression : la mort, la liberté, l’isolement et l’insignifiance.
Autrement dit, la conscience de la finitude de la vie, du fait qu’on doit créer sa propre vie et qu’on est responsable de ce qu’on en fait, du fait que, quelle que soit la proximité de nos relations sociales, on est, au fond, seul dans sa tête, et, en conséquence, que rien n’est fondamentalement sensé ou juste.
Des variations sur ces quatre préoccupations occupent les philosophes depuis les débuts de l’Humanité, des Grecs antiques à Sartre ou Nietzsche. Des philosophes aux petits surdoués qui découvrent le monde. Tout le monde est susceptible de se poser des questions qui révèlent les fondations fragiles du sens qu’on donne à la vie, dans ces quatre directions. Seulement, les surdoués sont particulièrement susceptibles de le faire, et de sortir plus difficilement du questionnement. Ils sont également susceptibles de déconstruire les sens apportés par la société plus tôt, et de se heurter à l’incompréhension, le mépris ou l’indifférence d’un entourage pour qui ce n’est pas de leur âge.

Voici une liste de facteurs qui peuvent rendre le surdoué plus sensible à la dépression, particulièrement existentielle (comme d’habitude, ils sont pour moi beaucoup trop génériques, voire caricaturaux, mais ça dessine un tableau) :
- Sensibilité aux sujets liés au sens, l’injustice et besoin d’aller au bout des choses, d’avoir des bases solides
- Perfectionnisme et idéalisme qui se confrontent à la réalité du monde et au grand pragmatisme et réalisme des surdoués
- Pensées « permanentes », tendance à la répétition des pensées, pensée lancinante
- Fragilités sociales :
- sentiment de décalage souvent présent dès l’enfance,
- difficultés à trouver des interlocuteurs aussi investis sur des sujets existentiels,
- possibles problèmes d’estime de soi et de penser que c’est lui qui a un problème, pas le monde, ce qui conduit à un sentiment d’isolement, d’éloignement, de déréalisation, ou d’enfermement dans un faux-self
- Capacités d’adaptation et de résilience souvent grandes (particulièrement chez la femme surdouée), qui renforce l’impression que le surdoué est responsable de son problème et seul au monde
- Sensibilité à l’ennui, d’autant plus grande que l’environnement est peu stimulant, voire coercitif, et que l’humeur est mauvaise, qui jongle avec des enthousiasmes parfois fulgurants, mais aussi fugaces
Grossièrement, c’est une crise de la quarantaine. À huit, douze, vingt ou trente ans. Qui peut durer des années. Et que personne ne comprend comme telle. Et qui peut amener une myriade de symptômes qui peuvent empirer la situation, par exemple :
- Les douleurs physiques somatiques, comme les maux de tête ou les problèmes de transit
- Une paralysie fonctionnelle et une peur d’entreprendre ou d’essayer
- Un sentiment de vide, d’engourdissement ou d’amoindrissement des plaisirs, voire de toutes les sensations et sentiments (personnellement, adolescente, je pensais être morte / ne pas exister / être sociopathe 🤡)
- Dans la suite du vide, comme les pensées peuvent toujours tourner, notre surdoué peut se demander si ses habituels intérêts ont le moindre sens, voire remettre en question le fait qu’il ait jamais été heureux / joyeux / enthousiastes. Voir à ce sujet Voie Professionnelle : que faire quand on peut “faire tout ce qu’on veut” ? – Haut Potentiel d’Aventure (hautpotentieldaventure.com)
- Tendance au sarcasme comme mécanisme de défense
- Et toute autre réponse, car les HPI/THPI sont des gens variés et qui s’adaptent beaucoup et diversement…
Comment on s’en sort ?
J’aimerais bien vous dire que j’ai trouvé la recette magique, comme j’aurais aimé qu’on me la donne. Après de multiples expériences chez des psys, des appels à l’aide plus ou moins entendus, je n’ai pas de solution parfaite. J’aborderai ailleurs les choses qui m’aident ou m’ont aidé personnellement, mais pour l’instant, mes pistes un peu plus universelles sont :
- Se renseigner
- S’entourer
- Se faire aider
- Se divertir et s’enthousiasmer
- Identifier ce qu’on tient pour acquis et qu’on gagnerait à changer
Savoir qu’on est HPI / THPI / autiste / ADHD / … c’est très important, mais ce n’est que le début du chemin, même si c’est déjà l’aboutissement d’un premier chemin qui peut être très long. Les cases valent ce qu’elles valent, c’est-à-dire pas grand chose, mais dans chacune se cache une part plus ou moins grande de compréhension de soi, à un moment donné au moins. À certains moments, on sera injoignable, pas disponible pour entendre une information ou pour voir une main tendue qui prendrait une importance immense à un autre moment.
Le chemin est long, et s’entourer d’amis, de proches, et de personnes qui vous parlent, qui peut-être vous ressemble est très important. Il y a des groupes (Mensa, les Coloriés, les cercles Cogito’Z, et pleins d’autres choses moins spécialisé, des groupes de théâtre, de culture, de tout ce qui pourrait vous plaire), des blogs et chaînes (voir Ressources – Haut Potentiel d’Aventure (hautpotentieldaventure.com)). Il y a les amis que vous avez déjà, ces connaissances que vous ne connaissez pas vraiment et qui gagneraient peut-être à être découvertes. Votre famille.
Il y a les aidants professionnels. Psychologues, thérapeutes, psychiatres, coaches, médecins, spécialistes.
Il y a les activités, et ce qui vous fait vibrer, même un court instant, même pas tous les jours. Les indices que peut-être quelque chose existe encore derrière toute la souffrance ou derrière le vide.
Il y a ces images qu’on a de nous, que le monde nous a renvoyées ou qu’on s’est construites, il y a des Il faut et des Je dois qui ne reflètent pas ce qu’on veut faire mais ce qu’on s’est persuadé devoir faire. Et c’est horriblement difficile de faire la différence, de s’en défaire, de se dire qu’il existe peut-être un saut dans le vide à faire, et de se dire qu’on pourrait tenter le coup.
Il y a mille sauts dans le vide possible. Tout plaquer, rester, changer. J’aimerais avoir la certitude qu’ils valent le coup, mais j’aime la nuance et la certitude me met mal à l’aise. On peut imaginer que le même saut dans le vide pourrait être le début d’un formidable envol ou d’une descente aux enfers. Je crois, en fait, que chaque saut est une multitude de petits pas, que parfois on avance et parfois on recule (en pensant fallacieusement qu’il y a une destination et qu’on ne tatônne pas dans le noir). Une descente aux enfers est une succession de mauvais pas, un envol une succession de bons, des trajectoires paradoxales. Chaque pas réévalue notre être.
La dépression a longtemps été pour moi une sorte d’état, presque un art de vivre, rien de temporaire ou de dépassable.
Alors on verra où l’aventure nous mène.
Sources et points d’intérêts :
Crise et dépression existentielle : le mal qui ronge l’identité (enfant-surdoue.fr)

Répondre à Déréalisation, dépersonnalisation et surdoués – Haut Potentiel d'Aventure Annuler la réponse.