Les autistes – certains autistes, les autistes qui ont accès au langage et sans déficience intellectuelle -, ont de plus en plus accès au diagnostic, et à la parole. C’est une bonne chose, même si cela pose plein de questions, notamment sur la place qu’ils laissent aux personnes sur le spectre qui ne peuvent pas s’exprimer pour elles-mêmes ou avec des mots qui atteignent facilement les autres, sur ceux qui sont « vraiment autistes », m’a dit un autiste dans mes commentaires Insta, ceux qui ne pourraient pas passer pour normaux, ceux à qui on ne dit jamais « mais t’as pas l’air autiste, pourtant ».
Les autistes essaient de prendre la parole et de décrire le trouble de l’intérieur. Ou plutôt, leur façon unique de le vivre. J’adore ça. J’adore lire des témoignages et des histoires de vie. Pour moi, c’est fascinant. Ceci dit, j’ai aussi conscience que si je le fais, c’est en partie pour trouver des choses auxquelles je m’identifie, pour me sentir un peu moins seule au monde. Pour me dire que certains partagent et peuvent comprendre un peu ma vision du monde, mes expériences, mes douleurs existentielles.
Il y a un autre mouvement, par lequel les autistes essaient de s’adapter au monde d’une nouvelle façon, selon les règles du capitalisme, du monde du travail : replacer les symptômes, les spécificités des traits autistiques dans un contexte professionnel, pour dire : « hey, on a quelque chose à apporter à votre monde ». Souvent, c’est pour dire que les autistes sont rigoureux, perfectionnistes, fiables, créatifs, qu’ils pensent « hors de la boîte », sont innovants, et que, si on dépasse quelques limitations sociales qui s’expriment aux entretiens et dans certaines réunions, les autistes sont un atout de taille en entreprise. Et c’est cool, et ça peut être vrai, et je vois l’intérêt de le faire, bien sûr. Mais, en premier lieu, cela revient à mettre une valeur à la productivité, à l’adaptation (elles en ont, dans une certaine mesure), et donc à remettre en question la valeur de ceux qui ne pourront jamais travailler, même dans un environnement bienveillant et adapté.

En second lieu, ça me fait me sentir mal et nulle (c’est donc bien plus grave :P). Soyons honnête, je ne suis pas souvent rigoureuse, fiable, prête à tout pour mon entreprise. J’ai une approche économique, transactionnelle, je suis là pour faire un boulot, je procrastine jusqu’à y arriver, mon ambition est de faire ce qu’on attend de moi, et pas de mon mieux, et pas de repenser les processus et de changer le monde. J’admire ceux pour qui c’est le cas. Moi, j’ai toujours une distance, un défaut d’implication, qui ne m’empêche pas de faire mon travail, mais qui me culpabilisent beaucoup, par rapport aux « gens normaux » et, maintenant, aussi par rapport à ces autistes, voire ces personnes avec TDAH, que LinkedIn me présente comme l’avenir du capitalisme et du monde professionnel.
Peut-être que je pourrais être innovatrice et rigoureuse un jour, dans un domaine qui me passionnera. Peut-être que l’école m’a appris que « bien » ou « suffisant », c’était suffisant. Que le meilleur n’est pas intéressant, pas rentable. Peut-être que mon innovation, ma créativité, ma rigidité d’esprit ou mon talent s’expriment et se bonifient quelque part – dans mes livres, me plais-je à croire.
En tout cas, si je ne suis pas une mauvaise employée (au moins en termes de résultats), je ne me reconnais pas du tout dans les descriptions neuroaffirmatives, dans le rebranding que d’autres affirment (et qui, eux, s’y reconnaissent). Cette nouvelle image n’est qu’une culpabilisation de plus, une arme de plus de mon syndrome de l’imposteur.
Dites-moi que je ne suis pas la seule !

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