Les relations sociales et amoureuses, la routine et l’autisme

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Cet article est une réflexion suite à l’article de la semaine dernière sur le body doubling. Pour rappel, il s’agit d’être plus efficace, productif et avoir plus de facilités à gérer sa fonction exécutive lorsqu’on est en compagnie d’autrui.

Je suis effectivement bien plus efficace en compagnie (tant qu’ils ne m’observent pas directement faire la tâche en regardant par-dessus mon épaule, ce que je déteste absolument). Professionnellement (fut un temps, pendant le covid, je venais au bureau les jours où je devais être efficace, parce que je suis plus facilement distraite chez moi – autre façon de dire que je profitais d’être chez moi pour faire tout et n’importe quoi), mais aussi personnellement.

La plupart des soirs de semaine, ma routine est la même : je rentre, je fais un câlin au chat, j’attends le retour de mon copain, nous faisons à manger (c’est-à-dire, le plus souvent, qu’il fait à manger pendant que je peine à m’extraire du canapé), on regarde la télé, on va se coucher à une heure décente, disons 23h.

Lorsque je suis seule, je mange toutes les heures, ou pas du tout, je me couche à 21h, ou 3h du mat, je fais mille trucs (genre un calendrier de l’avent maison en 3D, le 8 décembre) ou rien du tout. Bref, je fais n’importe quoi, et ma routine part en vrille. Des fois, c’est chouette, je fais des trucs que je ne fais pas d’habitude, je me chauffe à me faire un bon petit plat, j’avance dans des projets persos. Ça, c’est si j’avais une to-do list, si je me suis imaginée toute la journée ce que j’allais faire, et si j’ai de la chance. Des fois, je ne fais rien, je « perds mon temps », je « deviens folle ». Après des mois et des mois à faire du 100% télétravail, seule à la maison, j’allais vraiment mal. Je faisais des crises de larmes et de colère, j’avais du mal à travailler, et même à faire des choses que j’aime.

Le truc, c’est que des fois, le fait que je sois à peu près raisonnable quand nous sommes deux me frustre : je suis la routine, mais je suis aussi moins créative, moins extrême, j’ai l’impression que ma routine me bride. Des fois, j’ai l’impression que c’est parce que nous sommes deux, avec nos petites habitudes. Que si je devais me retrouver seule, je deviendrais cette personne fantasque et fascinante, qui vit en ermite au fond d’une forêt mais mène de front mille projets admirables. C’est faux, et je le sais. Les périodes où j’ai vécu seule, et celles où je m’isolais dans ma chambre en permanence, ont clairement été moins heureuses et moins équilibrées que je ne le suis aujourd’hui avec cette routine. Et pas plus productives ou créatives.

Néanmoins, il m’arrive quand même d’éprouver un certain ressentiment, une forme de frustration vis-à-vis de cette routine. De rêver de cette vie d’ermite qui me rendrait pourtant dingue. Une envie d’envoyer valser la routine et de tout plaquer, de fuir le travail (et la routine qu’il m’impose), voire de fuir mon couple (beaucoup moins que pour le travail, parce qu’en l’occurrence, je suis attachée à mon couple et à mon conjoint – bah oui, quand même !).

C’est d’ailleurs ce que j’ai exploré dans mon premier livre, l’Expérience de la fragilité : une jeune femme seule abandonne tout pour partir explorer l’Allemagne, avec sa voiture, son sac de sport, et aucune attache. Parfois, je rêve de cette liberté-là. Tout en sachant qu’elle n’est pas bonne pour moi, et que je suis plus heureuse en construisant ma vie, en cultivant mes relations avec mes proches. L’idée de la solitude me rassure : ne devoir de comptes à personne, échapper à ce sentiment de faire des choses pour les autres ou de devoir être à la hauteur. Ce n’est pas les autres, le problème, c’est l’impression d’être une personne différente quand je suis seule et quand je ne le suis pas. Et c’est aussi ce que je chéris dans mon couple : par bien des aspects, je peux « être moi-même ». Par d’autres, bien sûr, je fais des compromis, je me rends acceptable, je ne veux pas être un poids, pas être fainéante ou insupportable.

C’est fascinant, l’esprit humain, et les interactions sociales. On est autre, on est soi, on en bénéficie, on s’angoisse, on se trouve et se retrouve entre l’autre et la solitude.

Vous en pensez quoi ?

Voir aussi : la solitude existentielle des autistes.

4 réponses à « Les relations sociales et amoureuses, la routine et l’autisme »

  1. Avatar de dessinemoiunpoulpe

    Salut et tous mes vœux !!

    Encore une fois, ce que tu écris me parle. Je partage certains traits de caractère, sauf que je cuisine et que je n’aime pas les canapés😅. J’ai un rapport étrange à la solitude, que je recherche d’une part et qui me m’angoisse d’autre part.

    C’est dernières années, j’ai vécu une série d’évènements un peu difficiles qui m’ont permis de comprendre qu’il me fallait une présence protectrice (comme celle de ma mère) près de moi pour me sentir en sécurité, prendre confiance en moi et m’épanouir…depuis j’essaie de m’affranchir de mon besoin de cette présence et de me débrouiller tout seul. J’essaie de devenir adulte! Enfin je crois…

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    1. Avatar de Haut Potentiel d'Aventure

      Meilleurs voeux 🙂

      C’est marrant je suis en train de voir le concept de base sécure dans l’attachement en cours de psycho. C’est exactement ce que tu décris : une personne à laquelle on se sent suffisamment attaché pour se sentir safe d’explorer le monde et de s’affranchir.

      Je crois que mon copain est ça pour moi aussi. Avec lui, c’est plus simple de voyager, de faire des plans, de faire des projets.

      J’imagine que c’est aussi pour cela que je me suis facilement lancée dans la vie à la fin de l’adolescence (enfin, « facilement »…) : j’ai toujours eu confiance dans le fait que mes parents étaient là.

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  2. Avatar de Laurent
    Laurent

    J’en pense que si nous savions comment cela marche, les choses seraient beaucoup plus simple. Car nous saurions exactement quoi faire.
    Or, nos cerveaux (déjà si différents les uns des autres) et ses interactions avec l’environnement sont tellement riches et complexes ; de plus, nos protocoles scientifiques sont heureusement prudents et lents pour comprendre sans casser ni déformer l’objet de nos études (et en plus, il nous faut prendre en photo un objet en perpétuel mouvement), que ce labyrinthe n’est pas encore prêt pour trouver cette issue pleinement libérée et joyeuse.
    En attendant, on emploie bon an mal an des stratégies pour un moindre mal, et je fais pareil. Des fois, j’aimerais aussi envoyer tout balader, et des fois, je ressens que j’ai bien besoin de mes contacts sociaux.
    Bref……pas si évident que cela……

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    1. Avatar de Haut Potentiel d'Aventure

      Exactement. Si on savait, ce serait tellement plus simple. D’ailleurs on essaie de savoir et de contrôler. De cataloguer et de tout comprendre. Voire de se remettre entièrement entre les mains d’un autre, Dieu ou homme.

      Mais on ne sait pas. On ne maîtrise pas. On ne connaît pas.

      On ressent. On fait des choix, des paris, des stratégies. On vit. On essaie.

      J’en suis là…

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