L’alimentation des neuroatypiques

L’alimentation peut-être un sujet compliqué pour les neuroatypiques, pour plein de raisons.

Les sensibilités alimentaires

On dit souvent des autistes, par exemple, qu’ils sont difficiles. Souvent, il ne s’agit pas de difficultés de goût, mais d’hypersensibilités aux textures ou aux odeurs. Les aliments sont trop forts, trop colorés, la texture est insupportable et provoque une répulsion qui est difficilement dépassable. Ces problèmes peuvent mener à la surcharge sensorielle, à des meltdowns ou des shutdowns si on force une personne autiste à se nourrir ainsi.

Les meltdowns et shutdowns

Les nourriture de sécurité ou de réconfort

Au contraire, certains autistes ou d’autres neuroatypiques comme les personnes avec TDAH ont des nourritures « doudou », des nourritures de réconfort, qui peuvent être souvent vues comme ayant peu de goût ou de texture, et qui sont surtout fiables, réplicables, ont toujours le même goût. Il s’agit souvent d’aliments industriels comme les galettes de riz, les nuggets, les biscuits… Mais il peut s’agit de n’importe quoi. L’avantage de l’industriel, c’est que le goût reste conforme, contrairement par exemple aux fruits qui peuvent avoir des goûts et des textures très différents en fonction de leur degré de maturité. Prenez une pomme, par exemple. Elle peut être acidulée ou sucrée, croquante ou farineuse, molle ou dure, de différentes couleurs, tachetée, amère, voire vaguement pourrie. En tant que « doudou », peut-être que la pomme parfaite fonctionnerait, mais on est pas sûr de la retrouver. Personnellement, j’ai toujours eu du mal avec les fruits et je me suis rendue compte très tard que c’était la raison : je pensais juste que j’étais « une citadine » parce que les fruits du jardin me dégoûtaient. Je préfère donc les fruits les plus fiables : les framboises et les citrons, qui sont toujours acides (même si une bonne framboise est clairement meilleure), les bananes qui ont un goût assez stable pour moi, mais dont je détestais la texture, petite.

Les cycles de nourriture

Les goûts et les spécificités changent, au cours de la vie et dans des cycles beaucoup plus courts. Petite, j’étais hyposensible aux goûts, beaucoup  de choses me paraissaient fades, et je cherchais des sensations de ce côté : je n’étais donc pas fan de la vanille, des galettes de riz, du thé, glacé ou pas, que je qualifiais d’eau avec un vague goût. Aujourd’hui, j’apprécie ces goûts, voire mon palais est devenu assez développé, mais j’ai toujours tendance à chercher des sensations alimentaires, notamment l’acidité (bonbons, framboises, sodas), l’épicé, le croquant (team pain avec beaucoup de croûte épaisse, bien grillée), ou la nouveauté en général. En revanche, si je suis fatiguée ou si je me sens un peu triste ou surmenée, je peux manger la même chose peu élaborée pendant des semaines. Par exemple, au travail, je mange la plupart des midis une salade industrielle et un yaourt protéiné à la fraise. Le soir, quand on a la flemme de faire à manger, le défaut c’est les pâtes au fromage. Mais pas des coquillettes, je déteste la texture ! Sauf quand je veux instamment des coquillettes.

Bref, c’est compliqué.

On peut manger la même chose des semaines puis, alors même qu’on est en train d’en manger, perdre tout intérêt. Ou manger la même chose pendant des années, surtout les autistes, surtout sans TDAH associé.

Il semble aussi, d’après les témoignages que j’ai lus, que les envies de nourriture puissent aussi répondre à un effet dont on n’a pas entièrement conscience : par exemple, la caféine est un stimulant, et peut donc permettre des effets proches des médicaments stimulants pour réguler le TDAH. On peut aussi citer le sel qui permettrait à ceux qui ont un syndrome de tachycardie orthostatique posturale (POTS/STOP) comorbide de se réguler, car ce syndrome provoque des besoins en sel cinq fois plus importants que la moyenne.

Le cerveau des personnes avec TDAH

Troubles de l’intéroception

L’interoception

« Ton corps sait ce qui est bon pour toi » : oui mais pas toujours. Les neuroatypiques, notamment les autistes, ont plus fréquemment que les autres des troubles associés, par exemple des troubles de l’hypermobilité ou des problèmes de digestion. Et, parfois, les aliments qui passent et qui sont acceptables pour l’esprit n’aident pas, par exemple en mangeant très peu de fibres car les textures sont difficiles. Par ailleurs, la neuroatypie peut aller de pair avec une intéroception exacerbée ou au contraire diminuée, et la personne ressent peu ou mal les signaux de faim, de satiété, de soif, ou interprète difficilement les signaux.

Manger comme auto-stimulation ou contre l’ennui

Si un certain nombre d’autistes, notamment, exprime ne pas aimer manger et ne pas voir l’intérêt, la nourriture peut également être un vecteur de simulation, surtout dans le TDAH mais pas seulement. La nourriture permet de satisfaire un besoin de nouveauté ou de sensations (comme chez moi : acide, bulles de soda, café, croustillant…), mais aussi de tromper l’ennui existentiel ou de faire de l’auto-stimulation : comme le balancement, le tournoiement sur soi ou la contemplation de jolies lumières, le fait de manger, notamment des nourritures doudou, permet de se recentrer et de limiter ou contrôler la sur-stimulation.

Anxiété et contrôle

Enfin, la nourriture peut être un terrain d’exercice de l’anxiété et du besoin de contrôle : séparer les aliments, manger une certaine couleur, etc., peuvent être des résultats de stim (c’est plus joli, plus agréable pour le cerveau) ou d’anxiété potentiellement compulsive (si les couleurs se touche, c’est mal, un problème, etc).

On estime que 20% des anorexiques sont également autistes, un chiffre bien plus élevé que dans la population générale (0,5 à 1,5% selon les estimations). En effet, la nourriture permet aussi d’exercer une forme de contrôle : contrôle de l’anxiété sociale en se conformant aux diktats, comptage rassurant des portions et des calories, difficultés alimentaires qui n’incitent pas à manger, difficultés émotionnelles qui rendent les mécanismes vicieux des troubles alimentaires plus probables, tendance au manichéisme qui pousse à l’orthorexie (réflexion en termes de bien et de mal sur chaque aliment)…

De plus, on note aussi, liés à la nourriture stim ou doudou, des problèmes d’hyperphagie ou de boulimie, car manger rassure et occupe.

Autisme — Wikipédia (wikipedia.org)

Une réponse à « L’alimentation des neuroatypiques »

  1. Avatar de Le rapport au poids et à l’alimentation en tant que neurodivergente – Haut Potentiel d'Aventure

    […] avoir des facilités à manger de façon dérégulée, car (rappels de l’article sur l’alimentation des neuroatypiques) […]

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