C’est quoi la déréalisation ?
C’est être fou ! 😬
Ah, non, pardon. J’aime bien dire qu’il me manque une case, mais restons corrects (dans le sens poli, et, surtout, dans le sens de conforme à la réalité).
La déréalisation est un état de conscience dans lequel la perception ou l’expérience faite de la réalité paraît comme dissociée, extérieure à soi. Ce n’est pas une maladie, ça peut être l’expérience d’une sorte de doute métaphysique, dans ses perceptions, ou bien une sensation provoquée par des pratiques comme la méditation.
La déréalisation peut être spontanée, ou peut être le symptôme de certaines maladies.
« Le trouble de dépersonnalisation/déréalisation est caractérisé par une sensation persistante ou récurrente de détachement de son propre corps ou de ses propres processus mentaux, en se sentant comme un observateur extérieur de sa propre vie (dépersonnalisation), et/ou par une sensation de détachement de son environnement (déréalisation).«
Par David Spiegel, médecin de Stanford, dans le Manuel MSD
Bah oui, mais la réalité, t’es sûre que c’est réel ?
Et, en même temps, c’est pas faux, ça ! Depuis Descartes dans les Méditations métaphysiques, ou en regardant un peu trop une illusion d’optique, ou même en pensant à Platon et sa caverne : c’est quoi le réel ? Qu’est-ce qui nous prouve que tout ça est réel, tangible, et exactement ce qu’on voit et ressent ?



Bref, si on veut se la jouer Descartes (et même si on veut pas, notre cerveau se garde bien de nous demander l’autorisation), on ne peut pas savoir si la réalité existe, ni si l’expérience qu’on en fait est un tant soi peu réaliste.
Sauf que ça, c’est de la connaissance. C’est vrai qu’on ne peut pas savoir, on n’y peut rien, à part essayer de prouver des trucs en se basant sur des prémisses un peu branlantes. Bon, ok, mais est-ce que ça provoque un sentiment de détachement ? Bah… ça dépend, ma bonne dame. Chez moi oui, régulièrement. Pas dans le sens où je me dis que je vis dans le métavers à mon insu, ou que mon voisin s’appelle Truman et est suivi par des drones caméras. Juste dans le sens où des fois, tout paraît un peu loin, un peu bizarre, un peu… je ne sais pas. Mondain, populaire, loin. Un théâtre de marionnettes. Parfois je me dis qu’il y a quelque chose d’autre, que la réalité ce n’est pas cette sorte de sketch, parfois, je ressens un sentiment d’étrangeté, de distance, que je sois dans une situation sociale (la réalité), ou seule (les gens et les situations réelles alors paraissent très loin, comme si j’avais du mal à m’en souvenir).

Par exemple, j’ai une conversation avec des collègues ou des amis dans une soirée, je me retire peu à peu des discussions, et c’est comme si je voyais tout de l’extérieur (a priori, assez courant chez les HPI), je rentre dans une sorte de mode meta, qui est toujours là, un peu endormi, et puis je me dis, ah, tiens, encore là, encore toi, et rien ne semble plus réel. Mon nom me semble ne pas m’appartenir, je suis surprise par mon reflet, j’ai l’impression prégnante de quelque chose ne va pas, a changé, que la réalité n’existe pas, que je suis enfermée dans ma tête. Rien de rationnel, juste ce sentiment, difficilement descriptible, un vertige existentiel.

ta façon de vivre…
Et la solitude existentielle, alors ?
Le truc, c’est qu’on est seuls, non ? J’ai lu plein de livres là-dessus*, c’est selon Carlos Tinoco, par exemple, la base même, la question existentielle qu’on doit gérer, avec la mort. Accepter sa solitude, voire rentrer en soi-même, c’est le chemin de la sagesse et du bonheur ?
* Par exemple: Bienheureuse solitude (Helen Monnet), La Maîtrise de l’amour (Miguel Ruiz), des choses sur les philosophies antiques ou orientales comme le bouddhisme…
Moi, j’y crois. En fin de compte on vit dans notre tête, dans la réalité aussi, bien sûr, mais comme donné, comme contrainte extérieure, physique et sociale. Mais dans notre tête, on n’est que nous, on ne sera jamais personne d’autre (un autre vertige qui me saisit régulièrement). On ne fera jamais l’expérience d’être quelque d’autre, d’avoir vécu une autre vie que celle qu’on se crée et que la réalité nous renvoie. On ne sera jamais dans la tête de l’autre, on ne communiquera jamais l’intégralité de ce qui se passe en nous, aucun moyen de communication ne sera jamais suffisant, et personne d’autre ne nous comprendra jamais entièrement dans nos ressentis.

La recherche de sens peut passer par les relations aux autres, bien sûr, mais peut aussi être une recherche de sublimation bouddhiste, de mysticisme, de spiritualité personnelle… Mais ça vient de nous. On ne fera jamais rentrer quelqu’un dans notre tête pour qu’il nous comprenne, nous déchiffre, nous explique (et qu’est-ce que j’en ai rêvé !).
Vivre dans sa tête, dans la réalité
Voilà, c’est mon objectif et mon aventure : concilier ma tête et la réalité, mon sentiment de distance et ma volonté d’aller vers les autres ou de faire des expériences. Trouver la juste position, qui me conviendrait. Pas qui serait bonne dans l’absolu ou défendue par quelqu’un d’autre. Parce que la déréalisation, c’est intéressant comme sensation, ça protège de certaines dépendances affectives, ça permet ce que certains appellent un rapport « sain » aux autres, notemment dans les relations amoureuses.
Mais quand est-ce qu’on bascule dans le trop ? Et se poser cette question, est-ce que ce n’est pas déjà faire la part belle à mon côté normatif, soumis à une croyance, qui cherche désespérément une autorité, un concept externe à moi auquel se raccrocher ?
Mais, quand même, que doit-on accepter pour soi-même ? Comment décider de mes valeurs ? Comment savoir lesquelles me paraissent acceptables, lesquelles me conviennent et me rendent heureuse ? Parce que, pour l’instant, je vis, mais je crois que ce n’est pas comme ça que je m’étais imaginé la vie. Ce n’est pas comme ça que les livres, les gens, les expériences m’ont expliqué la vie.
Attendez, vous voulez dire que l’aventure, c’est aussi trouver ça ?

Voir aussi :
La dépression du surdoué – Haut Potentiel d’Aventure (hautpotentieldaventure.com)

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