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Découverte du HPI : Mythes et pièges

Novembre 2021 : assise dans le bureau de la psy, je reçois les résultats du test. J’ai tellement lu et appris depuis que je ne me souviens plus exactement de ce qu’elle me dit.

Je me souviens qu’elle m’a conseillé le classique des ouvrages (voir Résultats du test de QI et premières lectures – Haut Potentiel d’Aventure (hautpotentieldaventure.com)), le « livre des zèbres » de Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux ? – l’adulte surdoué. Pour d’autres psys, ça pourrait être Le haut potentiel en questions, de Sophie Brasseur et Catherine Cuche, qui est actuellement sur ma read-list.

Au début, il y a plus de questions que de réponses. Et des écueils. Un parcours.

Est-ce que ça veut dire que je suis super intelligente ?

Le premier cliché du HPI. Et beaucoup d’autres. Être « surdoué », ce serait être intelligent, ce serait voir tous les détails façon Sherlock, ce serait être excentrique et difficile à vivre (façon Sherlock, façon Morgane de HPI, Dr House…).

Dessin de Dr House
J’adore Dr House, mais puis-je être à la hauteur ? En plus, je n’ai pas de lupus.

Ce serait toujours savoir qui a commis le crime, dans un livre, film, ou dans la vie. Ce serait être au-dessus des autres, et réussir dans tout.

Ce serait être parfait, presque extralucide, toujours avoir une stratégie pour tout, un avis sur tout, la vérité sur tout.

Evidemment, tout ça est horriblement caricatural, voire complètement faux. Il paraît que beaucoup de HPI peuvent prévoir à l’avance le coupable dans un Agatha Christie, et lire une ambiance suffisamment bien pour avoir des intuitions souvent très fiables sur la façon dont une situation va se dérouler.

Image d'une boîte
Une jolie belle boîte où mettre tous les clichés et mêmes les vérités générales HPI

Mais être HPI, c’est principalement fonctionner différemment, sans être forcément un génie parfait (je ne sais pas s’ils existent, ceux-là, mais si oui, je les admire et les jalouse). Moi je peux regarder un film policier en me laissant surprendre (et n’importe quel autre livre, souvent). Prévoir la fin gâche mon plaisir, et je lis généralement d’une traite, m’immergeant dans l’histoire sans essayer de la finir à la place de l’auteur. J’ai une étrange façon de considérer que l’auteur a toujours raison, et un rapport de soumission à l’autorité que je n’aime pas beaucoup.

Je n’ai pas d’intérêt absolu et spécialisé, du moins pas plus de quelques dizaines de minutes. L’idée de jouer aux échecs me met mal à l’aise, et je trouve triste que les hommes super-calculateurs ne calculent pas vraiment, mais connaissent mieux leurs tables, et plus loin.

Je ne peux pas donner le nombre d’objets sur une table. J’ai une mémoire visuelle absurdement limitée, et une mémoire rythmique et musicale catastrophique.

Jusqu’à mes dix-sept ans, je ne portais pas de lunettes (histoire pour un autre jour : je me suis bousillée les yeux moi-même).

Je peux calculer mon âge en jour de tête, avec un peu de temps, ainsi que le jour de la semaine de la naissance d’Arthur Rimbaud. Longtemps, je le faisais juste parce que je pensais devoir pouvoir le faire, mais ça ne m’intéresse plus vraiment.

Je peux être irrationnellement curieuse de certains sujets, à certains moments. À d’autres, le même sujet me laissera parfaitement indifférente. Certains sujets ne m’intéressent pas du tout, surtout si je dois les maîtriser pour le travail.

Je ne me considère pas comme perfectionniste, au contraire, je trouve que je manque de rigueur, que je me contente souvent du strict minimum, et je suis horriblement maladroite. Pour autant, on me dit parfois que je suis très exigeante avec moi-même. Pour moi, la contradiction s’explique parce que j’imagine qu’un haut potentiel doit vouloir dire faire les choses parfaitement, et c’est archi-faux, et un idéal écrasant. En bref, je suis une idéaliste en idées, et trop réaliste dans la réalité (si ça vous paraît illogique, je vous comprends).

Je m’attends à ce que la réalité soit à la hauteur des idées, et je suis déçue presque en permanence. Mes sentiments ne sont pas assez, mes réalisations ne sont pas assez, mes idées ne sont pas assez. Mais j’imagine souvent que tout ça est réel et immédiat pour les autres. Qu’ils savent exactement ce qu’ils veulent dire quand ils parlent d’amour, et que cela s’applique tel quel dans leurs vies. Que l’idéal ninja, marchombre, bouddhiste, chrétien, n’est pas qu’un idéal mais peut être une aspiration réaliste.

Mes propres attentes me font souffrir, et je ne l’ai réalisé que récemment.

Je ne considère pas forcément que je me soucie du regard des autres, j’ai pourtant conscience que cet idéal irréaliste que je m’applique vient des autres et de mon expérience du monde.

Personnage s'auto-désignant
Moi, moi, moi, me prenant en exemple, si vous permettez

Je pense ne pas correspondre à la fiche technique du surdoué, cliché ou non. C’est-à-dire, celle qu’on a avant de se renseigner, et celle des scientifiques et concernés. J’écris pourtant des lignes où je reconnais des signes que j’ai lus. Voir : Qu’est-ce que le haut potentiel ? – Haut Potentiel d’Aventure (hautpotentieldaventure.com)

Et si ça expliquait tout ? Si c’était enfin ma place ?

Oui et non. Surtout non.

Le concept de surdoué est puissant car il inclut la diversité. Tous les surdoués sont différents. Et ils sont normalement, dans des conditions idéales, capables d’intégrer la nuance. Ou de rejeter la caricature, qui me faisait si mal dans mes premières lectures.

Il serait illusoire de penser que les résultats du test changent tout. Que soudainement, on a le mode d’emploi.

Ma première psy me l’avait pourtant dit, à quatorze ans. Personne d’autre que moi ne pourra avoir le mode d’emploi. Et même moi, je devrais le trouver à force de tatônnements et d’errance.

On pourrait croire qu’une fois qu’on sait, tout change. Mais il y a toujours mille questionnements (il paraît que c’est caractéristique…), mille remises en question (tiens tiens…), mille moments de doute où on se dit que cette boîte bien claire où on nous range ne nous convient pas du tout.

Tous différents

Et c’est normal. C’est horriblement cliché, et j’aurais trouvé ça ridicule au début de mon voyage HPI (de ma vie ?). Et pourtant, la boîte n’est pas une boîte, ou alors c’est une boîte à outils, un éclairage.

Le piège, ce serait de croire qu’on peut faire l’économie d’essayer de vivre, et que quelqu’un d’autre a une réponse pour nous. Bien sûr, les jours où je vais mal, je ressens profondément, intimement, que moi-même n’ai pas de réponse, et qu’il n’y en aura jamais aucune. D’autre jour, même avec une sorte de conscience qu’il n’y a pas de réponse absolue, l’exaltation de la vie et de la recherche suffisent.

C’est rassurant, cela soutient de trouver des personnes qui nous ressemblent un peu plus que d’autres. C’est aussi mon espoir en écrivant ce site. Mais ça ne résoud pas une fois pour toutes la question de la solitude existentielle ou de l’absence de sens.

Le piège, ce serait de croire qu’être HPI est une identité, une condamnation, une chance ou une joie. C’est une partie de tout cela. C’est un résultat, une cause, une conséquence. Un cadre qui ne change rien mais nous apporte des ressources.

C’est flou, indistinct, définissable pourtant. Sujet à débat.

Dessin d'un albatros
Image clichée, sensation réelle de
liberté et d’aventure. Les symboles ont
parfois du bon.

Et je ne sais pas trancher. Je ne réfléchis pas.

Je ressens.

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