
À seize ans, mes parents m’ont dit que je devais faire quelque chose de ma vie. Travail, études, tout m’était ouvert, mais il n’était pas question qu’ils m’entretiennent à ne rien faire.
Je suis allée dans des forums d’orientation – à reculons. J’ai fait des tests sur internet – jusqu’à ce que l’un m’indique que le seul et unique métier disponible pour mon profil était clown 🤡, et que l’autre m’assène qu’aucun métier ne correspondait à mes “intérêts” multiples !

Dans le bureau du conseiller d’orientation, également, pas de questionnements sur comment les concilier, et ce qu’ils pouvaient vouloir dire. On m’a dit que j’aimais les maths et les livres, et que je n’avais qu’à étudier les mathématiques et lire dans mon temps libre.
Et je n’étais même sûre d’aimer les livres et les maths. Je lisais beaucoup, et j’avais souvent l’impression que c’était pour m’anesthésier la pensée. Pour me perdre. Je n’aurais jamais osé affirmer que j’y prenais plaisir, que je prenais plaisir à quoi que ce soit.
J’étais bonne en maths. Je m’émerveillais infréquemment sur la beauté intense d’un problème logique résolu, sur le caractère magique d’un CQFD qui conclut une page de démonstration. C’était, pour moi, comme le sentiment étrange du bon livre, à la bonne fin, qui vous habite encore quelques minutes quand on clôt la dernière page.
Mais aimais-je les maths ?
Plus tard on me dirait, quand j’ai trouvé seule la prépa qui réunissait lettres, mathématiques et sciences sociales, que les sciences sociales sont un lien, une matière qui se nourrit des deux : on étudie la sociologie dans un Zola, et les statistiques la font naître.
Ce que j’aimais, de façon commune, dans les deux matières, c’était ce sentiment intangible de grande idée, de magnificence, de faire œuvre et faire système. La Comédie humaine et un raisonnement par récurrence avaient la même beauté intellectuelle. La sociologie était bien trop humaine.
J’ai continué mes études. Qu’avais-je d’autre à faire ? Je n’avais pas de passion, pas de rêve secret, seulement l’idée un peu vague d’écrire un jour et de pouvoir vivre sans contraintes, écrivant au milieu de la nuit, dans une maison battue par les vagues sur une falaise de Bretagne ou d’Ecosse.
Vous avez dit cliché ?

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