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C’est étrange, les vacances

On met sa vie sur pause. On change ses routines. On prétend que toute notre vie pourrait être ainsi, que c’est ce qu’on aimerait faire : on baroude, on farniente, on marche, on se cultive.

Est-ce que je n’ai pas l’air, ainsi, de la grande aventurière pensive, la poète que je m’imagine parfois être ? À la :
Elle est retrouvée. Quoi ? L’éternité.
C’est la mer, mêlée au soleil. (Rimbaud)

On fait de la route, on voit l’espace se dérouler sous l’effet du temps. J’aime être passagère : je ne réfléchis jamais autant qu’en observant les bords de la route.

Nous sommes allés au Maroc, en famille. Un voyage extra-ordinaire, qui sortait de mon ordinaire quotidien, et de mon ordinaire de vacances. Des vacances à 20, à l’aventure, en tentes, avec des déplacements longs tous les jours et de jeunes enfants. Très loin de mes habitudes, moi qui voyage souvent à deux, dans des villes riches d’Europe, dans des hôtels dans lesquels je me replie plusieurs heures du jour.

L’inconfort, le bruit, la pauvreté. Le dépaysement, la magnificence, la famille, l’aventure.

La route qui passe en dévoilant les conséquences de la pauvreté, de la sécheresse, des crues destructrices. Des paysages sublimes, immenses, devant lesquels on n’est qu’une poussière. La chaleur implacable, la beauté écrasante.

Un autre monde. D’autres vies.

Alors, dans ce paysage qui défile, j’écris. Des poésies. C’est difficile de formaliser, d’étudier ce sentiment de dépaysement, ce malaise face au bruit et à l’inconfort, mais aussi face à la routine, au confort qui ne sont jamais si clairs que quand ils disparaissent brusquement. Ce ne sont que des sentiments. Donc : poésies. Au milieu du désert, de la précarité, nous faisons des plans pour notre future maison. Travaux, emprunt, confort presque luxueux – au point que j’en suis parfois mal à l’aise, comme si je me disais que je ne mérite pas tout ça.

Je rêve d’un canapé, assise dans le sable de l’Atlas, je rêve de repos.

Pourtant, ma vie a-t-elle le moindre sens, quand une autre si radicalement différente existe ? N’aurais-je pas dû être une aventurière, pour écrire mon histoire ? N’aurais-je pas dû m’engager en politique, ou dans l’humanitaire, ou dans le surf sur l’océan ?

La route défile encore, je m’interroge : moi qui rejetais l’idée de la vie simple, de la famille, du couple, du pavillon de banlieue, je n’ai rien fait d’autre. Moi qui m’imaginais devoir avoir « une grande vie », quoi que cela signifie, je m’installe – avec joie, le plus souvent -, dans une vie confortable, dans des rêves domestiques.

Je suis à l’autre bout du monde – trois heures d’avion seulement, autant dire rien. Et je m’interroge. Je suis brutalement face à l’impossibilité de comparer les vies, de les vivre toutes, de comprendre la vie des autres. Il y a tant de vies possibles et je n’en aurai qu’une. Les choix sont possibles, j’existe (enfin !), mais ils ont des conséquences. La liberté est immense, la culpabilité parfois aussi, et la confusion, la peur de me tromper.

Je suis en vacances.

Pourquoi ne reposent-elles jamais l’esprit ?

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