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Différences sensorielles dans l’autisme (chambre anéchoïque)

Hier, je suis allée visiter une chambre anéchoïque. Une chambre ultra isolée, avec une multitude de dièdres de mousse sur les murs, plafond et sol, qui absorbent la quasi-totalité des ondes sonores. 17dB, soit un ressenti environ 64 fois moins puissant qu’une pièce calme normale à 35dB (quand la puissance d’une source double, le bruit mesuré augmente de 3dB). En théorie. Je trouvais l’idée fascinante, j’avais un peu peur. On m’avait dit qu’on ne pouvait pas rester plus de quelques dizaines de minutes sans devenir fou, que c’était « impressionnant », que j’allais entendre mon corps fonctionner.

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Et non. C’était calme mais pas si surprenant. J’ai entendu quelque fois mes paupières cligner, mais ça m’est déjà arrivé dans « la vraie vie ». Surtout, le bruit de fond, le sifflement, le grésillement au fond de mon oreille droite, ne s’est pas tu. Ma mère et mon frère ont des acouphènes : je crois que moi aussi. Parfois, j’en suis sûre, je les entends fort, clairement. Mais en fait, je crois qu’ils sont tout le temps là.

La chambre n’est pas vraiment ouverte aux visites de tourisme, j’ai demandé au culot, le chercheur qui s’en occupe a accepté parce que c’est les vacances scolaires et qu’il a un peu plus de temps. Quand il a accepté, j’étais toujours curieuse, mais je n’avais pas envie d’y aller, de devoir trouver un nouvel endroit, rencontrer une nouvelle personne, gérer mon embarras social qui ne me rappelle jamais tant que je suis autiste que quand je dois faire quelque chose de nouveau, dans un nouvel endroit (en plus, la réception était par téléphone. On arrive sur place et il faut téléphoner car il fait trop chaud, la réceptionniste est en télétravail…). Bref.

J’aurais aimé rester longtemps et seule, mais bien sûr, on me faisait une faveur, et il n’était pas question que je reste seule. Au bout d’un moment, il n’y avait guère d’autre chose à faire que de remercier et de partir, sans avoir obtenu le vide sensoriel, le silence absolu que j’espérais secrètement trouver. Encore une fois, une expérience sensorielle ou émotionnelle ne ressemblait ni à ce qu’on m’avait dit, ni à ce que je m’étais imaginé, à l’image grandiloquente que je m’en étais fait : un silence si absolu qu’il rend fou. Cette idée me parle tellement, me fascine, et restera inatteignable. J’entends toujours quelque chose, a priori ce n’est pas l’électricité (il a éteint la lumière pour qu’on teste), c’est mon bruit blanc personnel. Les casques de chantier, les Loops, ce n’est pas non plus assez de silence pour moi. Il y a toujours un bruit de fond, et mille petits bruits dont je peine à identifier la source. Un magma de non-silence.

Ça tombe bien, j’ai commencé mon prochain roman, et il parle de silence, d’isolement et de folie. D’ailleurs, à 14 ans, j’avais commencé un roman appelé « La Reine du silence ». Une jeune fille simulait une surdité et un mutisme totaux, après un accident. Le silence et l’omniprésence, l’insupportabilité du bruit, le bruit de fond de mon existence.

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