On lit souvent sur les réseaux que les autistes adorent la nature, s’y sentent connectés, et ne sont jamais si bien qu’en se baladant seuls en forêt.
Et bien, moi pas.

La nature est magnifique, et j’aime la contempler. Mais sur une photo, à travers une fenêtre, c’est très bien. La nature est sensoriellement compliquée à gérer pour moi (et j’ai toujours tendance à croire que je n’ai que très peu de problèmes sensoriels !). En premier lieu, la température et les courants d’air. En plein été, quand je suis seule dans la voiture, je laisse les fenêtres fermées et la clim éteinte : toute forme de courant d’air m’empêche de me concentrer sur quoi que ce soit. Les cheveux dans les yeux, les chatouillis partout, le flux de l’air qu’on sent sur soi : j’aurais même du mal à dire que c’est vraiment désagréable, mais ça court-circuite mon cerveau. M’épuise. Me concentre sur le temps et l’envie de retourner à « la normale », à l’homéostasie, au calme. Et pourtant, j’adore l’idée d’une balade en voiture, l’été, le soir, à écouter de la musique la fenêtre ouverte. J’ai de super souvenirs d’avoir fait ça il y a quelques années, d’avoir apprécié ces instants suspendus. Mais dans la réalité, loin des souvenirs, c’est plus compliqué.
J’adore le soleil sur ma peau, jusqu’à ce que ça devienne insupportable. Que je sente la brûlure, que j’imagine le cancer (les dimères thymines que j’ai étudiées au collège ou au lycée, qui replient l’ADN et le modifient), que je ressente trop la chaleur. Ou alors j’ai chaud à l’endroit exposé et pas dans le dos. Avoir deux endroits de mon corps à deux températures différentes, c’est dur pour moi. D’ailleurs, je rêve d’avoir un poêle ou une cheminée, c’est si cosy, mais je ne suis pas toujours à l’aise, juste devant : je me tourne et me retourne comme un poulet sur sa broche pour équilibrer la sensation.
La nature me dégoûte, parfois. Allongée dans l’herbe comme la poète que je veux être, les herbes me grattent, la terre me paraît sale, j’imagine ou je sens tous les petits animaux qui rampent, collent, grimpent et pincent. J’aime l’idée des animaux, je ne leur veux pas de mal, ils peuvent me fasciner, même, mais ils sont parfois trop présents, prenants, chatouilleurs, malodorants, visqueux… Même quand ce n’est que dans ma tête, il m’y chatouillent. Enfant, j’avais beaucoup de mal à manger les fruits du jardin, farineux, souvent visité d’un insecte ou deux, imprévisibles. Les seuls que j’adorais manger sur l’arbre, c’était les raisins et, surtout, les framboises : des fruits acides et dont le goût et la texture sont pour moi bien plus consistants.
Et puis le « sport » : les montagnes sont magnifiques mais les randonnées me surchargent, j’ai mal aux genoux, je suis essoufflée, ma position naturelle, c’est vautrée et contemplative. M’agiter, c’est comme renoncer à ma capacité à réfléchir pleinement, à seulement observer.
La mer est magnifique, je rêve d’une maison taillée dans la falaise, d’une grande baie-vitrée pour me protéger des embruns, des vents, du monde qui s’impose.
Curieuse d’avoir vos avis, j’en ai un peu marre de ne lire que des posts sur le fait qu’on est mieux au milieu d’une forêt, les mains dans la tête. Je rêve de ce mode de vie, mais le côté prévisible, aseptisé, sans courants d’air d’une grande surface, je trouve ça rassurant. Les grands rayonnages symétriques et bien rangés, les produits emballés, l’artificiel.

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