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Introvertie extravertie

J’ai besoin de temps seule. Et j’ai besoin des autres. Seule longtemps, je deviens folle. Au milieu de la foule, je me renferme, je veux fuir, le monde m’écrase. Avec quelques proches, je revis. Au bout de quelques heures, je veux à nouveau être seule. Dormir. M’entendre penser.

Je ne sais pas si je suis introvertie ou extravertie. Naturellement, je dirais introvertie. Pourtant, seule, je ressasse, je tourne en rond, je m’enfonce dans l’absurdité, souvent. En prépa, à seize, dix-sept ans, j‘attendais la solitude avec impatience, tout le temps. J’étais restée entièrement seule, dans l’appartement que je partageais avec deux de mes frères et sœur, pendant une semaine entière de vacances. Regarder Dexter quinze heures par jour. Ne pas se laver ou sortir de l’appartement pendant une semaine. C’était au dixième étage : je m’amusais – riais jaune, humour noir – de ne pas avoir posé le pied à terre pendant tant de temps. Je voguais, flottait dans les airs, parallèles aux vies des autres, sur seize étages : comme la vie était absurde, étrange, cyclique. Au bout de saisons entières de série (et quelle série formidable pour la santé mentale, Dexter ! /s. La solitude, le passager solitaire, la folie douce de qui n’est pas psychotique et, tout de même, se sent contrôlé par une étrange force intérieure, qui le guide, le surpasse, le maîtrise), j’avais soudain un dégoût absurde pour la vidéo, l’ordinateur, la vie des autres, des personnages paraissait si loin et si fausse – en fin de compte, je n’étais qu’une ado finissante, dans sa chambre, sur sa couette d’enfant imprimée d’un lion. Moi, je n’avais pas de vie, je ne vivais rien. Absurdité.

La solitude ne me réussit pas, et j’y aspire si fort. Je rêve d’érémitisme, de cabane dans la forêt, d’infinité de solitude, de retrait dans le désert. De ma tentation de Saint-Antoine. De me confronter à ma folie, aussi.

Solitude, solitude, fatigue, je ne veux pas retourner au monde, mais le monde est tenace, il revient, il me force. Je parle : soudainement je vais bien, je parle, je suis enthousiaste. Est-ce le masque automatique, est-ce une contrainte, ou est-ce que j’ai besoin de l’autre et en tire mon énergie ?

Les deux, bien sûr. Mes limites et mes besoins sont en réinvention permanente, je ne les comprends pas, et, en plus, ils changent !

Introvertie, extravertie.

Lors d’un échange sur le test MBTI, on m’avait expliqué le trait introversion/extraversion non comme l’attrait pour l’autre, mais comme la sensation de vivre d’abord dans le monde, dans la réalité sociale, ou d’abord dans sa tête, qui se trouve exister dans le monde, la réalité sociale. Selon cette définition, bien sûr, je suis absolument, irrévocablement introvertie : ma tête est le filtre absolu, la mise à distance totale. Rien n’entre sans être à distance, je suis spectatrice, et jamais pleinement dans le monde. Ou peut-être que si, que ce que j’appelle mon masque, inconscient, c’est moi, vivant dans le monde ? Un autre moi.

D’autres contradictions. Encore et toujours. Bien sûr.

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