Écrire est une chose étrange. On écrit pour soi, mais pour les autres. Dans l’espoir qu’on nous lise, dans la peur d’être jugé, dans le doute qu’on réussisse vraiment à partager un jour nos mots, nos histoires.
Mon premier roman, je ne l’ai pas partagé. Je l’ai envoyé en secret à des maisons d’éditions, bien décidée à n’en parler jamais, sauf si, éventuellement, j’avais le soutien de légitimité qu’aurait été une validation par une maison professionnelle. Voire, j’imaginais publier sous pseudonyme, et ne jamais en parler à mes proches. Comme si l’écriture était un vilain secret, entre la peur de se mettre à nu et, surtout, la peur d’être prise pour une imbécile, naïve, qui met de l’espoir dans un roman stupide, mal écrit, illégitime. D’être de ces milliers de gens qu’on voit sur les forums d’écriture, qui écrivent depuis des décennies sans aucun succès, qui partagent des extraits que je trouvais maladroits, qui sont persuadés d’être à quelques millimètres du succès, de la fortune.
Tant que je n’avais pas l’approbation d’une maison, j’avais honte, je ne voulais pas partager, je ne voulais pas être cette personne qui écrit des bouses, persuadée d’être le prochain auteur incontournable. On n’est pas très gentil quand on n’a pas confiance en soi. On est rigide et intransigeant. On a besoin de légitimité externe.
Et puis j’ai créé le blog. Ecrit L’Expérience de la fragilité, dont j’étais fière, qui disait quelque chose de moi, et pas uniquement de ce que j’imaginais devoir être, de ce que j’imaginais d’un livre à succès. J’ai parlé. Blog, diagnostics, doutes, écriture. J’ai continué. À chaque roman terminé, je l’envoyais à des maisons d’éditions, toujours persuadée que j’avais besoin de cette légitimité. Parce que sinon, je ne suis qu’un écrivaillon dont le plus grand acheteur est sa mère (ne rigolez pas, mes livres sont en vente dans la maison d’hôtes de mes parents, et sont mes seules ventes, ou presque).
Les maisons ne répondent pas, ou répondent non avec un message copié-collé, impersonnel.
Il y a quelques semaines, j’ai auto-publié mon troisième livre sur Amazon, La Quête du Mal. Et puis j’ai reçu un mail d’acceptation. Oh, pas une super maison d’édition, rien qui m’aurait rapporté beaucoup d’argent ou de notoriété, mais pas une arnaque, pas une maison à compte d’auteur caché, une de celles qui acceptent tout le monde, pourvu qu’on les paye, ou qu’on s’engage à ce que toute sa famille achète un exemplaire dans une prévente. C’était une petite maison, une de celles que j’avais contactées en dernier. Ma première réaction a été d’avoir peur de l’arnaque, de vérifier en ligne que c’était bien une maison à compte d’éditeur. C’était le cas, même si elle n’avait pas une excellente réputation (couverture bâclée, promotion très limitée, etc…). J’ai envoyé des questions, et demandé si mon auto-publication posait problème. C’était le cas. Leur offre en devenait « nulle et non avenue ».
Étrangement, je n’étais pas vraiment triste, comme je n’avais pas vraiment été heureuse. Sur la défensive, fatiguée d’avance de l’effort que tout cela allait me demander, peur d’être déçue, peut-être. En même temps, c’était réaliser un rêve, rayer une ligne de la liste des choses que j’aimerais faire avant de mourir – ou d’avoir trente ans, quitte à faire.
Au moins, maintenant, je sais que c’est possible. Je continue à viser des maisons un peu plus établies. Enfin, viser… Pour l’instant, je n’écris pas. Mais j’aimerais m’y remettre, quand j’aurai l’énergie, l’entrain, l’allant…

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