J’ai réalisé un truc tout à l’heure en sortant du travail.
Journée normale, solitaire et pas très studieuse. Je change bientôt. C’est difficile de se concentrer. Soyons honnête. Il y a toujours des jours, des instants où c’est difficile de se concentrer. J’ai fixé mon écran longtemps. Fait des choses, aussi. Pourtant.
Je ne ressens rien. Je n’ai pas parlé. Le jour s’est écoulé lentement. Sans émotions. Suis-je capable de vraiment ressentir mes émotions, en présence d’autrui ? Là, au milieu de l’open-space, en parallèle des autres, de leurs vies, leurs emplois, leurs tâches ?
Sortie du travail. J’imagine des scénarios dans ma tête, je réfléchis en dialogues imaginaires. J’imagine tout ce que je n’ai pas osé dire à mon chef, celui que je quitte. Je n’ai pas été réelle, je n’ai pas été comprise.
Soudainement, je fonds en larmes dans la voiture, sans trop savoir pourquoi. C’est toujours comme ça, mes émotions : je n’ai jamais compris qu’on demande toujours « qu’est-ce qu’il s’est passé ? » quand on me voit pleurer.
C’est existentiel – c’est ce que j’ai toujours cru. Il n’y a rien, Madame. Simplement, certains jours, « rien » est plus difficile à supporter que d’autres. Réponse que j’ai faite mille fois, dans ma tête seulement, à la prof qui m’a demandé ça en terminale. Je lui avais dit, entre mes larmes contenues, figée dans ma volonté de ne pas être vulnérable dans le monde réel, figée dans mon repli autistique, « rien ». « ça va ». N’est-ce pas le mensonge que j’ai dit le plus, moi qui mens si peu ?
Je crois que je ressens tout à retardement. Je ne ressens pas quand je suis avec les autres, ou peu – ai-je donc si peur du monde ?!
Et ensuite, c’est la panique. C’est l’afflux étrange des émotions, dé-corrélé des événements. C’est existentiel, un peu, c’est peu lié à « ce qu’il s’est passé ». Mais j’avais fini par croire que c’était moi, ma solitude le problème. Que je ne savais pas être heureuse. Je n’attendais que ça, toute la journée. La solitude. J’attendais la liberté et la solitude, la possibilité de lire, de créer, de me retrouver seule.
Une fois seule, je m’effondrais.
Crise d’émotions sans source. Crise de larmes dans la voiture. Je sanglote, incontrôlable. Je rêve de partager ces émotions-là avec quelqu’un, je rêve de trouver du réconfort auprès de quelqu’un, mais je ne peux pas. Je ne sais pas faire. Je ne sais pas me laisser être vulnérable en public. Si ça arrive, si je craque, je ne suis pas cohérente. Je ne sais pas partager mes discours intérieurs, ma détresse, mes besoins. Mes émotions. Si on me parle, si on me demande, je pleure. Je n’existe plus. C’est le nom d’un livre de Donna Williams, sur son autisme détecté tardivement : Si on me parle, je n’existe plus. Titre original, en anglais : Nobody, nowhere. Personne, nulle part.
Solitude.

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