Les dernières semaines ont été mouvementées.
6 janvier : retour des vacances de Noël. 7 janvier : je discute avec mon chef d’un projet pour l’année. Tout semble normal. Pourtant, j’ai décidé de partir, il a décidé que je vais partir.
8 janvier : entretien d’embauche. Je voulais tenir plus longtemps, mais ce boulot me demande d’être ce que je ne suis pas, ne veux pas être : sociable, qui « réseaute », qui « se lève et va parler aux gens, décroche son téléphone ». On me reproche de préférer l’écrit, d’être trop directe. J’ai beaucoup de mal à être proactive. Mon chef me trouve trop jeune, m’exhorte à sortir de ma zone de confort, de combattre « ma timidité ». On ne se comprend pas. Je n’ai pas envie d’être là : comment avouer ça ? Je ne dis rien. Puis je dis quelque chose : ma motivation n’est pas au beau fixe, c’est un peu dur. Il répond : « non mais je voulais dire, comment tu te sens par rapport à ta montée en compétences ? »
Dans ce nouveau travail, celui de l’entretien, ils sauraient : le recruteur, futur N+2, lit mon blog. Terrifiant, intéressant – et écrire ceci, le sachant, aussi.
9 janvier : réunion. Le budget est finalisé. Je sais depuis plusieurs semaines que l’équipe que je gère doit être réduite, qu’elle aura moins de travail et moins de budget en 2025. Je m’attendais à perdre des développeurs, mais c’est ma place aussi qui saute : l’équipe sera fusionnée avec une autre, et l’autre gérant, plus expérimenté et plus conforme, prendra la tête des deux. Je suis replacée dans une autre équipe. Je voulais partir, mais c’est un coup dur : je me sens nulle, même si le fait d’être replacée indique qu’ils veulent que je reste. C’est comme ça, l’entreprise. C’est le jeu.
Bien sûr, je ne dois rien dire à mon équipe actuelle avant l’annonce officielle.
10 janvier : l’annonce officielle, prévue, est retardée.
13 janvier : l’annonce officielle, prévue, est retardée.
14 janvier : l’annonce est faite à la réunion du matin. L’équipe est surprise. Les choses vont changer. On s’adaptera. Ou plutôt, elle s’adaptera, et je ne serai plus là. C’est ce que je voulais. Mon sentiment de culpabilité à l’idée de partir, de les « planter », a été remplacé par de la colère, puis de la tristesse, un sentiment d’inaptitude. Mon deuxième entretien est prévu pour le 17. En attendant, je suis présentée à la « nouvelle équipe », que j’ai en tête de ne pas rejoindre. Les non-dits, ce que je ressens comme ma duplicité, me mettent mal à l’aise. Je sais pourtant que je n’ai pas le choix.
17 janvier : deuxième entretien, tôt le matin. Demain, partiels pour mes études de psychologie. Révisions enfiévrées : je suis à la maison à 10h30, et révise exactement 18 minutes, entre 16h41 et 16h59.
18 janvier : examens finaux pour mon deuxième semestre à la fac de psycho.
Semaine du 20 janvier : premier jour dans ma « nouvelle équipe ». Je mime mal l’enthousiasme, mais suis impliquée immédiatement dans un projet en cours. Workshop en anglais, beaucoup de nouvelles personnes, de nouveaux sujets. Concentration et culpabilité. Attente. Doutes et peurs, sentiment de ne plus tout maîtriser, de ne plus pouvoir tout faire, dans l’indifférence et l’illusion de la perfection. Doutes aussi, se pourrait-il que rester soit une bonne chose ?
Le sentiment d’absurdité est parfois intense. Mêmes lieux, mêmes salles de réunion, mêmes emails que je reçois et qui désormais ne me concernent plus. Envolées les sujets de pression d’hier, en voilà de nouveau qui existaient pourtant déjà. Simple fourmi m’agitant vainement, j’ai simplement changé d’affectation. Tout semble faux et temporaire, le sentiment est fascinant et déstabilisant.

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Attente.
Attente du résultat de l’entretien, du go pour enfin annoncer qu’il est inutile de tout m’expliquer, qu’il ne faut surtout pas compter sur moi. Attente du droit de ne plus faire semblant, je déteste faire semblant.
Attente des résultats de partiels.
Attente.
Je vis le souffle coupé. Dans le faux. Mal à l’aise.
30 janvier : annonce. J’ai mes résultats de partiels et ma confirmation pour mon nouveau travail. Tout le monde est gentil et compréhensif. Je m’attends à être soulagée mais je ne ressens rien. Intellectuellement, je suis heureuse. Émotionnellement, je suis perdue. Ce week-end, je dors. Je dors. Angoissée, triste, je processe à retardement toutes ces émotions auxquelles je ne suis pas habituée. Je ne doute pas, ce sera une bonne expérience, intéressante, et je sais que je veux changer.
Janvier m’a fatiguée.

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