Autisme, conneries de la psychanalyse, « mère réfrigérateur » et « forteresse vide »

De quoi on parle ?

Leo Kanner, un psychiatre autrichien, crée le terme autisme en 1943. Il remarque, sur quelques cas d’enfants identifiés, que les parents ont souvent l’air froid, distant, peu émotionnels. Au début, il n’en conclut pas qu’ils sont fautifs.

À partir de 1949, il commence à attribuer l’autisme infantile au style de parentalité, notamment à la froideur émotionnelle de la mère, qui serait une « mère réfrigérateur ». L’autisme serait ainsi une forme de mécanisme de défense, car la mère, trop froide, ne peut pas devenir un point d’attache émotionnelle, ne peut créer d’attachement, et donc force son enfant à demeurer seul. Dans son livre de 1967 La Forteresse Vide, Bruno Bettelheim compare l’enfance et la solitude d’un autiste à un camp de concentration (nazi), dans lequel il ne peut pas développer de personnalité et dont aucune personnalité pré-développée ne peut le protéger.

La Forteresse vide, c’est donc l’enfant qui, à l’intérieur, n’a pas de personnalité ou d’humanité. Dans les termes (traduits par moi) : « certains victimes des camps de concentration avaient perdu leur humanité en réponse à des situations extrêmes. Les enfants autistes se retirent du monde avant que leur humanité ne puisse réellement se développer. » L’autisme serait « un état auto-choisi » (il précise quand même que ce n’est pas un vrai choix car on parle d’un nourrisson) « de déshumanisation. » 🤢

Toutes ces théories psychanalytiques sont aujourd’hui réfutées, n’ont jamais été scientifiques à la base (études trop réduites, pas de groupe contrôle, pas de vraies preuves…). Le consensus actuel, c’est que l’autisme a une forte base génétique et épigénétique (oui, les parents paraissent parfois froids, car ils sont autistes aussi et que vous confondez expression différente et absence de sentiments), avec des composantes environnementales (par exemple certains polluants, les circonstance de l’accouchement, etc.).

Ceci dit, la psychanalyse est coriace, et continue à culpabiliser les mères, notamment en France. Des gens continuent à croire que c’est la faute de la mère. Exemple : le livre La Forteresse vide, sur Amazon, a 4,6 étoiles, et des commentaires positifs indiquant qu’il s’agit de « l’autisme vécu de l’intérieur » et que la société d’aujourd’hui crée des autistes (« morts émotionnels ») en envoyant la femme travailler. Pour un témoignage sur la culpabilisation, je vous conseille le livre Le Royaume de Tristan, d’Anne-Sophie Ferry, mais je vous préviens, ça m’a mis absolument en colère.

À part que je n’ai rien à reprocher à mes parents et que j’ai des frères et sœur qui ne sont pas diagnostiqués (de là à dire « normaux » :p), ces théories sont délétères car elles essaient de traiter un problème au mauvais endroit (en soustrayant l’enfant à sa famille, en n’appliquant pas des méthodes qui, elles, ont une vraie base scientifique, même s’il y a aussi plein de controverses sur l’ABA, par exemple). Elles culpabilisent des parents qui essaient bien souvent juste de faire de leur mieux. ELLES N’ONT RIEN DE SCIENTIFIQUE. Ah, et aussi, même si j’ai douté de mon existence à cause du masking et du burn-out, j’ai une personnalité. Je ne suis pas une forteresse vide. Je m’attache de façon particulière aux gens (et j’en ai beaucoup culpabilisé !), mais j’ai une existence sociale et émotionnelle. La base, en fait. On est des humains, quoi. Et cette théorie en doute sans rien nous demander (ok, de base, ils ont fait leurs petites théories avec seulement des non-verbaux ou des cas dits lourds, ceux qui pouvaient être diagnostiqués dans les années 40, donc ils ne se sont sûrement pas embêtés à demander…).

Bref. Je peux voir l’espèce de rhétorique bizarre qui a convaincu les gens dans les années 50, et je ne dis pas que l’idée était monstrueuse en soi – dans le sens où il y aurait pu y avoir une composante acquise, pourquoi pas. Surtout s’ils n’ont considéré que les non-verbaux sans s’intéresser à la richesse de leur monde intérieur, donc c’est difficile de savoir ou de faire de la recherche psychologique. Mais c’est tout le problème. Si on ne peut pas expérimenter et faire des études, comme toujours en psychanalyse, on ne peut rien prouver (l’inconscient n’est pas un sujet d’expérience possible).

De plus, depuis que j’ai écrit l’article j’ai lu l’histoire de Donald Triplett, le premier autiste diagnostiqué en 1943. Il n’était pas non-verbal. Il avait l’oreille absolue et était intéressé par la composition musicale. Qu’on m’explique comment on s’est dit « tiens, voilà quelqu’un qui n’a pas de personnalité ou d’humanité ». 😠

Depuis, de vraies expériences scientifiques ont prouvé le bénéfices d’autres approches et compréhensions (autisme ou autres sujets en psychanalyse), qui invalident ce qui n’est qu’une idée non prouvée.

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