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Le monde est un décor. Les gens et les objets sont des données dans ce décor, voire des contraintes. Des choses qui sont là, hors de moi.
Des choses belles, laides, fascinantes, insipides, intéressantes, angoissantes. Des choses à observer, à fuir, à analyser. Des choses qui apportent du plaisir, de la connaissance nouvelle, cet enthousiasme de la curiosité.
Je suis curieuse des gens, des histoires, des beautés des objets, comme des beautés des histoires.
La recherche sur les jeunes enfants montre que dès la naissance, les bébés sont attirés par les visages, mais que, très tôt (on l’observe dès six mois), les bébés autistes peuvent être plus attirés par les objets que par les êtres humains de leur entourage.
Vous savez-quoi ? Le monde est angoissant, et les objets rassurants. Fixes, intelligibles, du moins peut-on essayer de les comprendre, les classer, les admirer.
Parfois, je me dis que je considère les gens un peu comme des objets : des concepts fascinants à ranger dans ma tête, à classer, des histoires à cataloguer. Pourtant, les autres, les êtres humains, apportent à la fois la possibilité excitante de me surprendre, de me répondre, de perturber un monde inanimé facile à maîtriser, mais aussi la possibilité angoissante de me surprendre, d’attendre des comportements spécifiques de moi, de me prendre en défaut.
Et puis la possibilité de « se connecter« . J’en ai une idée formidable, presque magique, et une forme de déception permanente, parce qu’on peut être incroyablement proche de quelqu’un, mais il y a toujours une distance, les gens sont loin, inaccessibles. Fondamentalement, on est seul dans notre tête. On essaie simplement de ressentir la présence des autres, de les aimer. Sentir qu’on n’est pas seul.
La philosophie dit qu’on l’est. Je l’accepte si je le lis, bien sûr, au final, on est tous seuls dans notre tête. Je m’en sens coupable quand je le ressens : comment ? Dans tous ces livres, tous ces films, ils se regardent dans les yeux, éprouvent des papillons. Ai-je jamais lu la phrase, dans les centaines de livres que j’ai lus (1167 à mon troisième top !) : « j’ai l’impression parfois d’être la seule conscience que je puisse atteindre », « les autres sont inatteignables, incertains », « parfois c’est comme si personne n’existait ». C’est douloureux, la solitude ontologique, absolue.
Sous hypnose thérapeutique, c’est ce que j’ai vu, et ressenti : le froid de la solitude, au fond d’une grotte. Personne ne m’effleurera : personne ne sera dans ma tête.
J‘effleure les autres, depuis que j’écris, depuis, surtout, que je partage mes écrits. Comme j’aimerais parfois faire plus qu’effleurer ! Ressentir l’altérité absolue. Ressentir absolument l’altérité.
Ah ! Comme j’aimerais être toujours sûre que le monde, que les autres sont réels, au-delà de ma conscience. Ressentir la certitude des livres à l’eau de rose. Ne pas me dire que ce que j’aime dans l’Autre, c’est l’effet qu’il a sur moi, c’est le bien-être à ses côtés, c’est ses connaissances ou ses discussions.
Dites-moi que je ne suis pas la seule (je ne vous croirais pas).
Voir aussi Déréalisation, dépersonnalisation et surdoués (qui date de l’époque où je ne me savais pas autiste…).

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