Sauf qu’on dirait qu’ils ne parlent pas de moi. Ils décrivent l’autisme, le trouble du spectre autistique, dont j’ai été diagnostiquée, et j’ai l’impression qu’ils parlent d’une maladie bizarre qui ne me concerne pas.

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C’est un cours sur le développement psychologique des enfants. L’autisme est souvent mentionné. Les enfants autistes sont en retard sur la théorie de l’esprit, c’est-à-dire la capacité à imaginer les pensées de l’autre et à le comprendre, certains ne la maîtrisent jamais.
Les enfants autistes ont du mal à s’identifier aux autres, mais aussi à se différencier des autres, à comprendre leur individualité.
Les autistes ont souvent un sens de l’humour, mais apprécient plus les blagues basées sur la résolution de l’incongruité que celles qui ont une composante sociale. Ils sont plus sérieux, moins joyeux, d’humeur moins bonne. Ils sont moins répugnés par des blagues où on se moque d’une chute douloureuse, peut-être à cause d’une « sensibilité plus faible à la douleur des autres ou aux normes sociales » (hypothèse de la chercheuse).
Les autistes présentent souvent un petit poids de naissance ou des complications au moment de l’accouchement.
Les enfants autistes sont majoritairement des garçons.
Les enfants autistes sont un défi pour les parents qui doivent appliquer des stratégies différentes, qui doivent les entraîner aux interactions sociales « normales ».
Les professeurs maintiennent une approche assez nuancée, quand on leur pose des questions. Les élèves qui ne connaissent pas le sujet, forcément, posent des questions que moi j’entends comme « c’est vrai qu’ils ne ressentent rien / n’ont pas d’empathie / pas d’humour / ne comprennent pas le monde social ? ».
On parle d’autisme plusieurs fois pendant le cours. Pourtant, quand la prof demande si des étudiants sont volontaires pour être représentants inclusion auprès de la fac, on cite les handicaps possibles des élèves : problèmes de vue, d’auditions, troubles dys, voire problème d’attention. Des élèves autistes ? Personne ne le mentionne.
Je n’ai pas révélé mon diagnostic. J’ai peur qu’on me juge indigne d’obtenir un diplôme, un droit d’exercer. C’est comme si les petits garçons dont on parle dans le cours étaient la seule présentation possible.
Bien sûr, moi, je sais que ce n’est pas vrai. Je vois tous les jours sur Insta des pros et des autistes qui me ressemblent et qui décrivent un autisme qui n’est pas celui que mon cours caricature. C’est un cours d’introduction. Ma psy est allée dans la même fac que moi, et elle accepte mon diagnostic sans penser que je n’ai pas d’humour ou aucune conscience sociale (elle est plus intellectualisée, peut-être, que celle des « gens normaux », mais j’en ai clairement une). J’ai participé à l’étude d’une étudiante de Master qui fait des recherches, justement, sur le profil féminin diagnostiqué à l’âge adulte.
Mais clairement, on comprend pourquoi seuls les spécialistes, ceux qui ont effectués des recherches, qui se sont intéressés au sujet (et cela comprend absolument les autistes concernés eux-mêmes), ont une approche plus nuancée et qui semble pouvoir réconcilier ces deux groupes : les garçons, les Rain Man et autres Shaun Murphy (voir Avis d’une autiste sur The Good Doctor), et les adultes diagnostiqués sur le tard, suradaptés, en burnout, indétectables.

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