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Réflexions d’une autiste sur The Good Doctor

J’avais regardé une saison il y a longtemps, avant d’avoir mon diagnostic. Je m’y suis remise récemment, pour voir. Note : j’écris ceci en n’ayant revu que les deux premiers épisodes.

The Good Doctor est une série médicale sur Shaun Murphy (joué par Freddie Highmore), un jeune interne en chirurgie qui est autiste « à haut niveau de fonctionnement » et qui a le syndrome du savant. Il s’agit bien de deux troubles/syndromes différents, le syndrome du savant, c’est un talent très supérieur à la moyenne dans un domaine restreint, par exemple la mémoire ou le calcul (comme Rain Man).

D’entrée, première phrase sur l’autisme : l’autisme est une maladie neurologique. Bon. L’autisme n’est pas une maladie. Mais bon, c’est quelqu’un de peu renseigné, dans la série, qui le dit, au cours d’un débat sur la base de « peut-on autoriser un autiste à être chirurgien ».

De base, je trouve le débat bizarre, quand on voit le nombre de gens qui se découvrent autistes très tard et qui fonctionnent au quotidien dans la société (même s’ils ont des difficultés et que ça se fait généralement au détriment de leur santé mentale). C’est probablement mon privilège qui parle, mais je ne me suis jamais dit qu’il me faudrait une autorisation spéciale pour travailler. Sauf qu’en fait, maintenant que je suis diagnostiquée et que j’ai repris mes études pour être psy un jour : je me suis fait la réflexion que je ne me sentais pas de le dire à mes profs, parce que j’avais peur qu’ils ne m’accordent pas mon diplôme ou soit plus durs avec moi. J’ai peur parfois de ne pas trouver de clients si je dévoile cet aspect de moi – même si j’envisage de travailler avec des neurodivergents, ce qui devrait aider.

J’ai lu plein de débats sur la façon dont Shaun représente l’autiste, et clairement ça pose question : bien sûr c’est un garçon blanc (adulte mais jeune, et il y a plein de scènes sur son enfance) avec des traits bien clichés, il dit des « horreurs » devant les patients (du genre « c’est une tumeur très dangereuse et la patiente risque de mourir », devant la patiente), répond merci quand on l’insulte de façon sarcastique, sous la forme d’un compliment (« mais quelle bonne idée que vous avez-là, Docteur), se balance d’avant en arrière dès le deuxième épisode (dans un flashback).

J’avoue que mes traits s’expriment tellement différemment que j’ai du mal à m’identifier au personnage plus qu’à plein d’autres personnages qui ne sont pas présentés comme autistes. Bien sûr, plein de choses ne sont pas évidentes dans les interactions, mais Shaun a déjà travaillé et vécu, et il est toujours présenté comme un petit garçon. J’ai souvent le même reproche à faire à Sheldon, dans The Big Bang Theory : la série montre qu’il peut apprendre à se comporter de façon empathique et à comprendre les autres, mais cette évolution n’a jamais eu lieu avant ? Ni Shaun ni Sheldon n’ont mis en place des scripts, des façons de comprendre les autres, des façons de les éviter, aussi, pour limiter les situations problématiques ?

Dans l’ensemble, je trouve que la série est agréable à regarder et prenante, mais le personnage de Shaun m’attendrit plus que je ne m’identifie à lui. Je ne dis pas qu’aucun adulte autiste ne se comporte comme lui, loin de là – d’autant qu’il a pleins de traumas d’enfance et a eu, semble-t-il, des expériences de sociabilisation très bof. Juste que cette représentation est assez éloignée de ce que je vis au quotidien, et un peu clichée, et qu’on aimerait bien plus de représentations différentes identifiées autistes, plus que des personnages nommés autistes et clichés, et à côté des personnages auxquels on s’identifie mais qui n’ont pas le label (Dr House, Bones, Luna Lovegood, Pandora dans Skins,… Je ne dis pas qu’ils sont tous autistes, juste que je m’identifie plus à eux ou qu’ils me paraissent moins clichés et tout aussi crédibles), surtout du côté des filles.

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