
Avec Noël qui arrive, je me mets un peu de pression pour les cadeaux. Faire les cadeaux, faire des listes de souhaits pour les cadeaux qu’on m’offrira. Me préparer à en recevoir.
Je n’ai pas tellement le souvenir d’avoir attendu avec impatience les surprises de Noël, enfant. Recevoir ce que j’avais demandé, oui, voir quelle version avait été choisie, éventuellement. Faire les emballages cadeaux pour tous ceux qui m’autorisaient à le faire à leur place, et lire et découper les catalogues, pour sûr.
J’ai le souvenir, même, d’avoir trouvé les cachettes des autres pour observer mes futurs cadeaux, pour me faire une idée de ce qui m’attendait. Et, même récemment, lorsque que mon compagnon, tout excité, m’a annoncé m’avoir trouvé mon cadeau, puis a eu peur que ça ne me plaise pas, je voulais savoir, tout en ayant peur de savoir. Recevoir un cadeau surprise me fait peur : c’est une interaction sociale où je ne me maîtrise pas, qui a bien des enjeux : ne pas décevoir la personne, accepter un objet qui prend une place mentale et physique, accepter une expérience, être honnête si ça ne nous plaît pas, en étant gentil… Parce qu’accepter avec grâce un cadeau qui n’a pas (encore) sa place dans mon cerveau, ça peut être compliqué. Et ça peut m’engager à en recevoir d’autres, un jour, dans la même veine !
Vers sept ans, j’ai reçu une boîte à cheval pour mon anniversaire. Une grande boîte en plastique vert dans laquelle se trouvaient les brosses nécessaires aux soins des chevaux, pour le club d’équitation. C’était un cadeau de mon grand-père, qui avait fait l’effort d’aller dans une boutique spécialisée, de demander ce qu’il fallait, de tout acheter. Et j’ai pleuré, à demi hystérique, car la brosse dure (j’ai cherché les termes corrects sur internet, 20 ans après), n’était pas du même genre que celle que j’utilisais au club, et que je m’attendais à avoir. C’était incorrect, surprenant, inattendu.
J’ai pleuré, comme une gamine qui fait un caprice – la société n’est pas tendre avec les jeunes enfants qui font un caprice. Et, la crise passée, je me suis habituée, je ne me suis jamais excusée, je n’en ai jamais reparlé, et je me sens encore coupable, maintenant que je ne peux plus m’excuser.
Vers treize ans, un matin, la lune était belle, ses reliefs bien visibles. C’était bientôt Noël, et j’ai demandé un télescope. L’objet reçu, c’était plus compliqué que prévu, moins instinctif, et je n’ai jamais eu cet élan d’intérêt, cette volonté qui fait abattre des montagnes, pour peu qu’on s’intéresse. Ce télescope n’a jamais servi, et chaque discussion avec mon grand-père, qui me l’avait offert, déclenchait une culpabilité qui ne suffisait pas à me décider à m’en servir.
J’ai toujours été une grande lectrice. Un livre, c’était donc le cadeau idéal. Mais, pour une raison quelconque (peut-être le syndrome d’évitement de la demande, sur lequel je ferai un article), lorsqu’on m’offre un livre que je n’ai pas demandé, ça me donne moins envie de le lire.
Être dans le mood pour un cadeau…
De façon générale, pour que j’apprécie un cadeau, il y a l’aspect immédiat – qui joue sur l’autisme, le fait d’être préparée, l’interaction immédiate du cadeau surprise, la peur d’avoir la mauvaise réaction -, et l’aspect long-terme : est-ce que, après l’interaction de base, j’aime le cadeau/j’ai l’occasion de m’en servir/il est pratique ou confortable, j’ai envie de m’en servir, il suscite mon intérêt au moment de l’utiliser (pour un livre, une expérience…). Les deux aspects sont indépendants : souvent, je suis prise au dépourvu au moment de recevoir un cadeau inattendu, mais je finis par l’adorer, même plus que celui que j’avais demandé ! Le fait que je n’aime pas l’interaction sociale au moment de la surprise, ou qu’il me faut un petit moment pour conceptualiser le nouvel objet, ne veut pas dire que je ne veux que des cadeaux que j’ai demandé ! Souvent, les cadeaux surprises ont plus de valeur, car ils en disent beaucoup sur la personne qui nous l’offre et notre relation.
Offrir
J’aime que les cadeaux que j’offre montrent que je tiens aux gens, que je les écoute, que je me souviens de choses qu’ils ont mentionnées en passant. En revanche, souvent, il est difficile d’être sûr que notre cadeau plaît (même après l’avoir offert !), parce que mes goûts sont différents, les autres sont différents, et il est difficile de se représenter ce qu’ils aiment vraiment. Après tout, moi-même, je ne sais pas toujours ce que j’aime vraiment !
J’aime donc quand on me donne une liste de cadeaux pour me guider, mais j’aime aussi l’excitation de la recherche du cadeau parfait. Il y a beaucoup de gêne, parfois, entre faire au plus simple, montrer notre attention, offrir un objet qui « prend de la place » physiquement ou mentalement (par exemple de la déco, soit ça finira comme un regret dans le garage, et la personne risque de se sentir coupable, soit elle passera devant tous les jours)…
Je crois que les cadeaux sont une représentation des relations sociales en général : il y a des incompréhensions, des présomptions, des bonnes surprises et des mauvaises, des bonnes intentions et des mauvaises, des interactions où on se force, d’autres qui nous font plaisir…
Autant, donc, ne pas rêver du cadeau ou de l’interaction parfaits !

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