Essayer d’être soi, tout simplement.
Lorsque j’ai fini d’écrire mon premier livre en 2020, je l’ai envoyé à des éditeurs en secret, sans en informer personne. Au fur et à mesure que les réponses négatives me revenaient par la poste, j’ai informé mon compagnon. J’écrivais en parallèle un deuxième livre, en en parlant quelques fois. Puis j’en ai parlé à ma meilleure amie, qui a lu ce livre une fois fini. Puis, progressivement, à certaines personnes de mon entourage, plus ou moins proches, plus ou moins en passant. Ah, oui, le travail, pas ouf, je m’ennuie un peu, je survis en faisant des projets à côté, tiens par exemple j’ai écrit deux bouquins depuis le covid…

Je vous remets le lien, quitte à faire 😉
Parfois ils relevaient, parfois non, j’ai envoyé quelques fichiers PDF sans spécialement en entendre parler ensuite. J’ai reçu des retours d’éditeurs négatifs sur ce deuxième livre. Contrairement au premier, j’en étais fier, il disait de moi quelque chose que j’avais envie de partager. L’idée qu’il reste lettre morte me faisait de la peine, malgré ma peur intense d’être jugée à l’aune d’un matériau figé, qui ne peut pas se défendre, qui ne peut pas nuancer. Qui ne reçoit pas de retours en direct.
Il y a quelque chose d’extrêmement intime et à sens unique dans l’écriture d’un livre. On l’écrit un peu pour soi, en sachant qu’on aimerait être lu. Pour communiquer mais sans dialogue, sans relation sociale, sans certitude même qu’il sera lu un jour.
Je me suis déversée dans ce livre. Non pas dans les événements racontés – non, je le répète, ce qui arrive à Sara dans le roman ne m’est pas arrivé, si on parle des événements de la seconde partie. L’enfance, oui, les sensations, la façon de penser, la façon dont les raisonnement et les sensations apparaissent dans sa conscience, ça, c’est moi. Ou plutôt c’est ce que j’ai trouvé de plus proche, de plus vrai et de plus important dans cette communication et ce travail sur moi.
Ce livre dit ce que je n’ai jamais vraiment osé dire, encore moins condensé, travaillé. Sans pleurer. Parce qu’il est difficile de se raconter à quelqu’un, sans le truchement de l’écriture, de raconter ses points de sensibilité, ses bizarreries, les textures de son imagination et de son expérience du monde.
Je ne suis pas certaine de quand j’ai décidé de l’auto-publier. Plusieurs choses sont arrivées en même temps, je crois. Ma coach m’en a parlé, c’était pour elle si évident : la partie difficile était l’écriture, et l’auto-publication si facile. Pour moi, la reconnaissance, la légitimation d’une maison d’édition m’avait toujours paru indispensable, de quel droit aurais-je imposé un texte qui ne passait pas ce barrage ?
Mon compagnon aussi m’en a parlé. Le projet du blog est arrivé en parallèle, là encore sans que je puisse vraiment en refaire les étapes. Et puis les choses se sont ordonnées. Le livre, le blog, la communication, tout pouvait aller ensemble, être un jeu ensemble, et un minuscule espoir que cela fonctionne, que j’en retire quelque chose, que ce soit effectivement la suite du chemin. Sans savoir trop ce que j’en attendais, et combien de temps cela m’intéresserait.
Et puis finalement, trois mois après, j’ai auto-publié le livre, et j’en ai profité pour tout envoyer à mes parents et mes frères et sœur (sur Whatsapp, parce que faut pas déconner, en direct ç’aurait été too much. Je le sais, j’ai essayé). Le livre, et le site. Et, du coup, je sortais du placard sur les questions de HPI et de potentielles autres neuroatypies.
C’est marrant comme j’ai passé ma vie à essayer de réconcilier la différence que je ressentais, surtout à l’extérieur de la maison, ma place dans ma famille et dans ma fratrie, ce que je devais faire dans la vie… J’étais la sœur intello, avec des bons résultats, j’essayais de ne pas m’en vanter mais je n’existais, dans ma tête, que comme cela. Donc j’avais besoin de me définir comme cela, tout en ayant l’impression d’être insupportable, prétentieuse, écrasante.
Mais la vie continue, cahin-caha, on grandit tous, on partage beaucoup de choses, quand même, de grandes discussions, des avancées. On se revoit souvent, on parle de la vie réelle, et, parfois, mes conversations favorites, de ce qu’on a dans la tête. Ma mère sur notre sociabilité, qu’elle aurait aimé ne pas nous transmettre ce qu’elle considère comme ses limites. Ma sœur sur sa propre place dans notre famille, sur sa vision d’elle-même.
Finalement, on grandit sur des non-dits, sur des volontés de ne pas blesser, mais d’exister un peu. De devenir quelqu’un, de comprendre les autres, de trouver sa place.
J’ai hâte de continuer à échanger encore avec eux. Avec tous. Je me sens déjà plus libre, plus assurée que cette nouvelle moi, que j’ai tant cachée, sera la bienvenue. Que nous pouvons avoir ces conversations. C’est presque à se demander pourquoi je me suis tant persuadée que ce n’était pas possible.

L’aventure continue.

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