Le cerveau des surdoués

Scientifiquement, la définition de la douance, ou du haut potentiel intellectuel, c’est dépasser un certain seuil lors du passage d’un test de QI standardisé (WAIS/WISC dans leur version la plus récente, selon qu’on est un adulte ou un enfant). Généralement, ce seuil est 130 (deux écarts-types à la moyenne de 100), ou de 132 (2% de la population), mais on peut aussi considérer 120 ou encore 125.

Une fois qu’on a dit ça, ça veut dire quoi ? Globalement, on ne sait pas trop. Les caractéristiques sont vagues et les surdoués peuvent être très dissemblables en termes de personnalités. Mais le cerveau, alors ? Les surdoués ont-ils des gros cerveaux bien puissants ?

En fait, pas vraiment. Même s’il semble y avoir une légère corrélation entre le volume du cerveau et le résultat du test de QI, il n’y a pas de causalité démontrée. On prend souvent l’exemple du cerveau d’Einstein, plus léger que la moyenne (1230g pour une moyenne de 1300g).

Ça pourrait juste vouloir dire qu’Einstein n’était pas surdoué, mais bon.
(Il paraît que je doute de tout.)

Heureusement pour nous, il y a eu des études sur le cerveau des surdoués. Généralement vivants, d’ailleurs, histoire de voir ce qu’il se passe dans le cerveau quand les pensées s’agitent.

La conclusion, c’est que la différence serait au niveau du développement et du fonctionnement. Des études réalisées notamment grâce à des IRMf (Imagerie par Résonnance Magnétique fonctionnelle) ont pu mettre en évidence des spécificités communes aux surdoués, et différentes de ce qu’on observe chez les autres.

Un développement différent

On ne naît pas avec notre cerveau définitif de 1300g. Il se développe, grossit et se réagence jusque dans la vingtaine. Notamment, le cortex préfrontal, la « partie pensante » (c’est-à-dire en charge du raisonnement abstrait, de l’attention, la planification et d’autres fonctions exécutives) qui se situe à l’avant du cerveau, s’épaissit puis s’affine à nouveau au cours de la croissance. En gros, le cortex apprend et développe des connexions jusqu’à l’âge d’environ 7 ans, puis il renforce ses apprentissages en supprimant des chemins de pensée inutiles et en fortifiant ceux qui sont répétés. Pour les surdoués, le cortex est initialement plus fin, il se développe ensuite beaucoup plus vite et continue à le faire plus longtemps, avant d’également s’affiner. Le cortex final n’est donc pas plus épais, en fin de compte, mais se développe différemment et plus longtemps (entre 7 et 11 ans).

Ce qu’on voit ici, c’est que l’épaisseur à 7 ans du cortex préfrontal est en fait moindre pour les surdoués, mais elle augmente beaucoup plus que pour les autres, et jusque plus tard, environ 11 ans contre 7. Les seuils utilisés sont : intelligence moyenne (Average Intelligence) : 83 – 108 de QI, intelligence élevée : 109 – 120 et intelligence supérieure 121 – 145.
NIMH Child Psychiatry Branch

Davantage de neurones (matière grise)

À la fin de ce développement différent, le cortex préfrontal, et de façon plus générale les lobes pariétaux et frontaux, présentent des neurones plus nombreux et plus denses (Orzhzkhovskaia, 1996). Cette différence est cependant assez peu marquée ou caractéristique.

Une rapidité améliorée (matière blanche)

Les neurones sont connectés entre eux grâce à des élongations appelées axones, où le signal voyage sous forme électrique. Arrivé au bout de l’axone, il est transcrit en message chimique grâce à la libération de neurotransmetteurs (adrénaline, dopamine,…) qui sont récupérés par le neurone suivant, qui le retransforme en signal électrique.

La vitesse du traitement cérébral est améliorée par une couche d’isolant qui entoure l’axone, appelée gaine de myéline, et par des cellules de soutien appelées cellules gliales. Le surdoué possède plus de cellules gliales et des gaines de myéline plus performantes et épaisses dans les zones frontales, permettant un transfert de l’information plus efficace (Geake 2009, Prescott 2010). Les axones myélinisés correspondent à ce qu’on appelle la matière blanche.

(Personnellement, je me représente ça comme un câble fibre, qui permet d’éviter les déperditions et d’augmenter la vitesse de transmission).

En moyenne, une personne avec un QI moyen bénéficie d’une vitesse de connexion entre les neurones de 2 mètres par seconde. On peut mesurer que chaque point de QI supplémentaire apporte une augmentation de vitesse de l’ordre de 5 cm/s, soit 1,5 m/s de plus à 130 de QI (Reed & Jensen 1992, Miller, 1994).

Plus de connexions

Le cerveau n’est pas un bloc unique : il se compose d’hémisphères et d’aires qui sont connectées entre elles par des faisceaux de neurones. Ces faisceaux sont plus développés chez les surdoués, notamment le corps calleux, qui relie l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit, ou le faisceau longitudinal, qui relie l’avant et l’arrière du cerveau. Les informations se transmettent donc plus rapidement, entre les deux hémisphères du cerveau, mais aussi au sein d’une même hémisphère.

Les informations se diffusent donc plus vite, avec plus de neurones, mais également plus largement dans le cerveau, ce qu’on peut voir à l’IRM.

En résumé, le cerveau d’un haut potentiel est plus rapide et communique plus, et ce processus s’engage dès la grossesse : la matière blanche est déjà plus épaisse (cela semble dépendre notamment du taux de téstostérone de la mère). Ensuite, le cerveau, et notamment le cortex préfrontal, se développe différemment, le nombre de neurones est plus élevé et les connexions plus efficaces, que ce soit entre deux neurones ou à l’échelle des aires cérébrales.

Le cerveau Haut Potentiel Intellectuel : une réalité neuro-physiologique – Margerie Véron (margerieveron.com)
Cerveau d’Albert Einstein — Wikipédia (wikipedia.org)
Cortex Matures Faster in Youth with Highest IQ | National Institutes of Health (NIH)
Frontiers | Hemispheric Differences in White Matter Microstructure between Two Profiles of Children with High Intelligence Quotient vs. Controls: A Tract-Based Spatial Statistics Study (frontiersin.org)

Une réponse à « Le cerveau des surdoués »

  1. Avatar de L’origine de l’autisme – Haut Potentiel d'Aventure

    […] dans la myélinisation et l’apport d’énergie aux neurones. Voir l’article sur le cerveau des surdoués et celui sur le cerveau des […]

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