L’ego et les surdoués

Depuis que je m’intéresse au sujet de la douance, et de la psychologie en général, j’ai beaucoup entendu parler d’ego. Depuis ceux qui disent que plus on est à droite dans le spectre du QI (donc plus le chiffre est grand), moins on a d’ego, jusqu’à ceux qui disent que beaucoup des problèmes du surdoué, et de l’Homme, viennent de l’ego, de l’incapacité à lâcher prise sur notre représentation de nous-même, qui nous rend malheureux. Mais, du coup, c’est quoi l’ego ? Et l’ego du surdoué ?

Définition de l’ego (ou égo, mais c’est moche)

Le mot « ego », à l’origine, est un pronom grec et latin signifiant « moi », ou « je ».

Philosophie

Depuis Descartes (Je pense donc je suis), on désigne par ego l’individu, le résultat du doute, cette entité qui permet de dire que je suis, j’existe, toutes les fois que je prononce cette phrase en mon esprit. L’ego est donc la conscience individuelle, consciente d’elle-même et sujet de sa pensée.

Psychanalyse

Depuis la psychanalyse au XIXème siècle, l’ego désigne une partie de la personne, le Moi, par opposition au Ça et au Surmoi. L’ego est la personnalité et le siège de la volonté de survivre et du narcissisme (à la fois conscient et inconscient), quand le Ça est l’inconscient et le Surmoi, l’instance de régulation du Moi qui nous vient de la société et de la morale.

L’ego aujourd’hui

On désigne aujourd’hui souvent l’ego comme un idéal qu’on se fait de notre personnalité, sujet de nos blessures narcissiques. C’est flou ? Un peu, beaucoup, passionnément. Prenons un exemple :

Je suis à l’école et je dois faire un projet de groupe sur un sujet qui m’intéresse. J’aimerais prendre la direction des opérations car je m’y connais. Soudain, un autre membre du groupe m’indique que ma compréhension du sujet est mauvaise, ou partielle, et me met en doute. Je suis vexé. Alors que mon idéal intellectuel serait de prendre en compte cette nouvelle information, la vérifier, l’intégrer si elle est plus avérée que mes propres connaissances initiales, et remercier mon camarade, ma première réaction est de me vexer, de me sentir vulnérable vis-à-vis de ma représentation de moi-même – ils vont penser que je n’y connais rien, je suis nul en fait -, voire de rejeter l’apport – n’importe quoi, de quoi je me mêle, tu sors ça d’où ?

L’ego, ce serait donc une part de nous, une représentation de nous, qu’on peut blesser, et qu’on devrait dépasser pour arriver à cet idéal du sage qui se remet en question, qui cherche des preuves, qui accepte les nouvelles informations. D’après les idéaux New Age, se débarrasser de l’ego, se serait même accéder à une forme d’éveil, moralement supérieur. On rejoint aussi l’idée du Bouddhisme, pour qui l’ego est une représentation conventionnelle qui ne fait référence à aucune réalité. L’idéal bouddhiste est alors de libérer l’homme de cette fausse perception d’être au centre de tout, et donc de toute souffrance, car on ne peut souffrir si on ne croit pas à l’existence de soi.

C’est cette définition (qui reste un peu nébuleuse, avouons-le), que j’utiliserai pour la suite.

L’ego des surdoués

  • Les surdoués ont-ils un sentiment de supériorité et un ego démesuré ?

Si vous voulez rigoler un peu, je vous conseille cet article : https://www.contrepoints.org/2017/03/22/284707-qi-eleve-nest-panacee-succes

« Ils ont également souvent un égo démesuré. C’est un vrai problème pour eux car l’efficacité d’un homme est toujours le résultat de l’intelligence moins l’ego. Quand l’ego est plus élevé que l’intelligence, le résultat est donc négatif.

Ils ont tendance à privilégier la théorie à la pratique. Or, selon la vieille formule d’Einstein, la théorie c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne, alors que la pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Et il vaut toujours mieux que ça fonctionne.

Ils sont aussi souvent résistants au changement car ils aiment conserver les schémas dans lesquels ils se sentent le plus brillant.

Comme ils évitent les erreurs, ils n’apprennent rien de leurs échecs éventuels et se complaisent dans la droite ligne de ce qu’ils savent faire. »

Alain Goetzmann

On est un peu loin de tout ce que j’ai lu sur le HPI jusqu’à présent, qui serait l’empathie, la capacité à se remettre en question, la curiosité, l’attirance pour le changement et l’innovation, la pensée disruptive, etc. Loin aussi des études sur l’effet Dunning-Kruger, et sans citation ou référence pour la première partie, selon laquelle l’efficacité, c’est l’intelligence moins l’ego (je serais curieuse de voir l’étude…).

Mais vous savez quoi ? Je ne sais pas s’il a raison ou tort. C’est une généralisation abusive, comme tout ce qu’on lit sur les surdoués, le positif comme le négatif. Comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, je ne me considère pas comme particulièrement empathique, intelligente, disruptive ou quoi que ce soit, et encore moins tout le temps.

D’après ce que j’ai lu et compris de l’ego, il se pourrait bien que de véritable HPI soient comme ça à cause de lui. Ou peut-être que les caractéristiques qu’on liste habituellement sont aussi peu étayées que celles-ci. De fait, de multiples psychologues, spécialistes des hauts QI, comme de nombreux HPI eux-mêmes, semblent voir les HPI comme assez différents de ce tableau.

  • Le syndrome de l’imposteur, un problème d’ego ?

Le syndrome de l’imposteur (voir l’article) est-il une question d’ego ? L’ego est souvent une vision idéalisée de son potentiel imaginé, qui ne colle pas toujours aux réussites qu’on a ou qu’on pense avoir. De là, des blessures d’ego, car on n’est pas à la hauteur de ce potentiel imaginé. Et, selon le retour de la société, qui imagine les surdoués comme des petits génies, des premiers de la classe, ou des arrogants, l’ego peut s’en mêler… pour prouver qu’on n’est pas si parfait ou si imbuvable !

  • L’ego ambivalent des surdoués

Entre image grandiloquente de soi et de son potentiel, fragilité de la personnalité et de la présentation sociale (par exemple avec le faux-self et la personnalité Comme si), sentiment de différence, le terrain est large pour les surdoués pour avoir maille à partir avec l’ego. On parle d’ego démesuré, mais c’est autant une idée démesurée de l’idée de potentiel que, parfois, une vraie pensée d’être supérieur.

L’ego des surdoués, comme tout le monde

Car, comme tout le monde, le surdoué peut-être égotique, égoïste, susceptible, fragile dans son ego. Il y a pour moi des fragilités et des susceptibilités, notamment pour ceux qui ont grandi avec la forte sensation d’être différent, en positif ou en négatif.

La société, de plus, s’intéresse au sujet, et renvoie des sons de cloches ambivalents : entre fascination amusée (la série HPI, par exemple), condescendance et négativité (par exemple l’article cité plus haut). Le « haut potentiel », dans sa formulation même, est une injonction à être meilleur que les autres, alors que la problématique des HPI avec qui j’ai discuté est plutôt une différence cognitive, qualitative, souvent associée à quelques difficultés, et non « être meilleur » et/ou « plus intelligent ». Pour les HPI comme pour les autres, pas étonnant que l’ego s’en mêle…

Il ne reste plus qu’à, dans un autre article, se demander comment on se débarrasse de ce qui est embarrassant dans l’ego. Vous en pensez quoi ?

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