Surdouée sans passions, sans émotions, sans intérêts ?

On décrit souvent les HPI comme des gens passionnés, « entiers », poussés par des intérêts spécifiques, des émotions marquées, des convictions affirmées. C’était une grande partie de ma détresse quand j’ai commencé à me renseigner sur le sujet : je n’avais rien de tout ça. Je me sentais tiède, un peu vide, un peu suiveuse et passive face à la vie.

Puis, en continuant à me renseigner, j’ai pu mettre plus de nuances dans ma compréhension, m’éloigner aussi des caractéristiques les plus vagues et les plus propices à l’effet Barnum (celles dans lesquelles presque tout le monde peut se reconnaître).

On rejoint ici par exemple l’idée de la puissance délétère du faux-self, voire de la vie Comme Si de Winnicott (voir Le faux-self des surdoués), qui semble particulièrement forte chez les surdoués, car ils se sentent différents et conceptualisent, théorisent beaucoup (moi, en tout cas, je plaide coupable). Je me suis forcée, efforcée d’être toujours rationnelle, logique, de le paraître, tout en étant gouvernée, voire noyée, par des émotions négatives incontrôlables, puis par une profonde dépression à l’adolescence.

Homme triste

On a beaucoup parlé aussi d’une grande capacité d’adaptation, qui m’a rendue marketable dans la société : je sais m’occuper de moi-même, exercer un emploi, être productive, je ne cause pas de problème, je roule à la bonne vitesse (à peu près !). Du coup, si je suis malheureuse, ça n’impacte que moi (et mes pauvres proches qui doivent me supporter 😬). Du coup, je me force, je survis, passive, et malgré quelques crises d’angoisse en public, généralement, je donne le change.

Je me convaincs moi-même. À l’adolescence, je me pensais vide, sans émotions, j’ai pensé être sociopathe (encouragée par quelques réfléxions externes), un pantin, un robot, fonctionnant comme un rouage dans un monde absurde, et pourtant merveilleusement systémique et complexe. Et je pensais que ça ne changerait jamais. Déconnectée de ma vie, froide et sans émotion, avec des sentiments plats et tièdes pour les gens les plus proches de moi. En plus, j’en avais honte. Honte d’avoir l’impression que les autres avaient des vrais sentiments et pas moi, honte de les tromper, de leur faire croire que j’éprouvais ces sentiments (même si je ne les ai jamais exprimés).

Conséquences sur mon début de vie

J’ai fait des études généralistes, m’imaginant sans grand espoir que je trouverais peut-être une voie intéressante. Honnêtement, je ne sais plus si je croyais que c’était possible. L’avenir était une boîte noire que je m’imaginais pleine de tristesse et de désintérêts. Seule. Mon principal objectif était de pouvoir diminuer le plus possible mon temps de travail ou l’implication nécessaire, pour pouvoir me retrouver seule le plus possible, sans la contrainte permanente du réel ou de l’appréhension de son retour prochain. Le moins possible de dimanches soirs où je vais me coucher à 19h pour ne pas faire face au temps libre qui s’amenuise (vous avez dit logique ?). Le moins possible d’angoisse alors qu’on me demande une action, une réaction, une présence au monde dont je ne me sens pas capable. Le moins possible de responsabilités forcées, d’emploi du temps fixe, d’inéluctabilité.

Coquille vide et cassée

Et maintenant ?

Depuis que je travaille, que, contre toute attente, je me suis mise en couple et à faire de timides puis moins timides projets de vie, que j’ai découvert mon HPI et enchaîné psys et coaches, je commence à croire que j’ai peut-être des intérêts (baby steps). Que peut-être je pourrais reprendre un peu ma vie en main pour en faire quelque chose, pour avoir des projets personnels, pour arrêter de penser que je ne suis qu’une coquille vide.

Et ce n’est pas facile. L’idée de reprendre des études me fait peur, de ne plus être celle que mon partenaire a choisi me fait peur, de ne pas pouvoir maintenir pour lui et pour nos projets le même niveau de moyens financiers. J’ai peur de me casser la figure alors que pour une fois j’aurais pris une vraie décision. D’être renvoyée presto dans ma coquille fissurée et franchement triste. J’ai peur de vouloir revenir à ma « vie parfaite » et d’avoir loupé le train de l’employabilité.

Et cette peur me réjouit, quand même. Comme la preuve que j’ai changé, que je suis prête à prendre des risques. Cette peur me fait peur, comme le signe que je pourrais passer une vie comme ça, à deux doigts de me lancer.

Ça a pris des années, et il en faudra encore des années. C’est une aventure, paraît-il dans le titre de ce site 😁 Et ça ne change pas du jour au lendemain, comme si maintenant j’avais des émotions, des sentiments, des envies tranchés, et juste la peur de les mettre en action.

Mais j’ai de l’espoir. Je me réjouis de voir les changements, un jour après l’autre, une pensée après l’autre. Un article de blog après l’autre, aussi. J’écris, et je me rends compte que j’ai changé, je déroule une pensée nouvelle. C’est exaltant, et j’aurai toujours peur.

Je ne veux juste pas retourner dans les affres où j’ai été, autrefois, pour fuir la peur.

Femme faisant de la randonnée en montagne
Partons à l’aventure, tant qu’on a le courage.

Allez, dites-moi que je ne suis pas la seule ? 😁

Voir aussi :

La dépression du surdoué
Voie professionnelle : que faire quand on peut faire tout ce qu’on veut ?
Anecdote : les tests d’orientation

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