Un groupe de soutien pour surdoués ?

N: Bonjour à tous, je m’appelle Noémie.
Tous (en choeur) : Bonjour Noémiiiiie…

Mais en fait non. Ce groupe de soutien est un groupe de parole pour neuro-atypiques. Nous sommes entre 4 et 7, entourés de deux psychologues facilitatrices. Dans le centre médical du coin désert (il est tard), nous discutons de comment les choses se passent dans notre tête.

Deux personnages dans des fauteuils
C’est comme seul avec le psy, et comme un apéro avec les copains en même temps.

Pas besoin de diagnostic officiel, de pathologie établie. Juste cette sensation de décalage, depuis toujours, et encore. Peut-être qu’être intéressé par le sujet suffit.

De quoi on parle ?

Bien sûr, les séances sont confidentielles, et il n’est pas question de raconter qui a dit quoi. Mais l’enseignement est riche. On n’est pas tout seul. On peut discuter de tout, observer nos réactions en temps réel, partager des expériences, et des choses pour lesquelles il n’y a pas forcément de point commun.

Certains sont diagnostiqués, HPI, TDAH, TSA,… D’autres cherchent activement des diagnostics ou des réponses. D’autres cherchent juste à alimenter une profonde curiosité pour la psychée humaine, tout en se sentant un peu moins seuls. Certains reviennent, d’autres pas. Certains n’étaient pas diagnostiqués, et ont reçu ce diagnostic entre deux séances. Certains ont été diagnostiqués ou soupçonnent quelque chose suite au diagnostic de leur enfant.

Deux cerveaux réfléchissant en connexion
Histoire de faire rentrer un peu d’autres
personnes, avec leur vécu, dans ses ruminations et ses cercles de pensée.

C’est riche. On se pose des questions sur soi et sur les autres. Certains moments sont tristes ou désagréables, je revois cette séance où tout le monde concluait sur la joie qu’il y avait à être là, tous ensemble, à partager des expériences profondément solitaires, mais finalement semblables. Mais je n’avais pas accroché, cette fois-là, leur point commun était loin, il était aussi pile dans le créneau de mes insécurités : trop d’empathie, trop de sensations, trop d’honnêteté, et je restais seule avec mes sentiments ambivalents et honteux.

D’autres moments sont fascinants. Quand cette participante essaie de décrypter pour nous sa synesthésie. Quand ces autres racontent divers moments difficiles de leur enfance, leur solitude profonde. Leur suradaptation. Quand on voit une sorte de parcours de connaissance de soi se dessiner, du sentiment de décalage inconfortable, voire profondément douloureux, à l’acceptation et la volonté de créer un monde à sa mesure. Et toutes les étapes, toutes les complications, toutes les nuances.

Que fait le psy facilitateur ?

Par rapport à une séance individuelle, pas grand chose ! En tout cas, il intervient peu, mais il est en quelque sorte garant de l’ambiance et de la bienveillance de la pièce. Il peut lancer la séance, répondre à des questions, reformuler certaines interventions, calmer un peu la pièce si les émotions gonflent.

Pour autant, il n’est pas psy dans cet état de choses : il n’intervient pas pour apporter des éclairages théoriques ni pour rebondir, il laisse parfois s’installer le silence, et c’est au groupe de parler. Il est aussi gardien du temps de la séance et organisateur de la logistique. Il ne fixe pas les règles, mais il peut aider le groupe à s’en fixer.

C’est utile, doc ?

Pour moi, ces séances sont utiles comme peuvent l’être les séances de thérapie individuelle : on n’en est pas sûr quand on sort du cabinet, et puis au bout de quelques mois, quelques années, on se retourne sur le chemin parcouru, et on se dit que, peut-être, on n’en serait pas là sans ça.

L’approche est différente car c’est aussi une thérapie du social : on ne cherche pas seul, on n’est pas centré que sur soi, son mal-être, ses ruminations 🐄. On doit laisser la place aux autres, et réapprécier, pour ceux qui sont assez détachés des conversations, des gens, qui sont tentés par l’isolement, le sentiment d’être un peu ensemble, autant que chacun le peut. On essaie de se comprendre en comprenant d’abord les autres. Je pense que c’est complémentaire, et incroyablement intéressant, si on est prêt. Et que ce qu’on retirerait de deux séances identiques, à différents moments, dans différentes émotions, serait très différent.

Un homme marche dans les collines.
Parce que le chemin n’est pas tracé, pas linéaire, et qu’il n’indique pas sa destination.

Et que, si on a ce genre de groupe disponible, on n’a rien à perdre à essayer. Voire à réessayer, un autre groupe ou un autre soi, un peu plus tard.

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