À la suite de mon dernier article https://hautpotentieldaventure.com/2023/04/03/anecdotes-les-tests-dorientation/ , un petit ajout sur les conseillers d’orientation, dans toute leur splendeur.
2012. Je suis en terminale. J’échoue chez le conseiller d’orientation / psychologue du lycée, parce que je n’ai aucune idée de ce que je veux faire, et parce que j’ai des problèmes psychologiques, et qu’il est une excuse pour échapper à mon oral blanc d’allemand (voir https://hautpotentieldaventure.com/2023/03/24/une-hpi-a-lecole-errances-et-manque-dinteret/).

J’ai quand même un petit espoir que cet homme, un professionnel, et spécialiste des lycéens, puisse m’aider. Le premier pas, le plus difficile, devrait être de prendre rendez-vous et de lui raconter mes soucis.
Et il me fait faire un questionnaire sur son ordi.
Chouette, peut-être que cette fois on ne me dira pas que rien n’est fait pour moi.
« Ah mais tu as un profil pluridisciplinaire équilibré, en fait »
Ah ouais merci gars.
Ok, donc, cette fois encore, j’ai plusieurs profils, donc aucun n’est particulièrement plus marquant que les autres. Au moins, aucun programme informatique n’est responsable. À profil atypique, réponse humaine ?
Comme je ne sais pas ce que je veux faire, ni dans quel domaine, il se résoud à étudier mon bulletin : à défaut de ne pas aimer certaines matières, peut-être suis-je nulle dans l’une d’elle.
Oups. J’ai des bons résultats dans la plupart des matières. Suffisamment bons pour envisager étudier chacune d’elle. À part le sport 😬
Mais qu’est-ce que j’aime faire ? Je ne sais pas. Il me demande ce que je fais de mon temps libre. Je lis, mais est-ce que j’aime lire, me demande une petite voix dans ma tête. N’est-ce pas qu’une façon de ne pas penser, de ne pas réfléchir au fait que je n’ai pas la moindre idée de qui je suis ou de ce que je veux, de me perdre dans la vie de personnages ?
À l’époque, le discours même « sois qui tu es », « trouve qui tu es vraiment », me met horriblement mal à l’aise. Je pense qu’il n’y a personne de caché en moi. Je survis, je suis une coquille, particulièrement bien adaptée au système scolaire. C’est là mon paradoxe principal : je m’adapte, me sur-adapte au monde avec brio, et la seule personne qui en souffre, qui n’est pas adaptée à cette adaptation forcenée, c’est moi.
Je finis par lui dire que j’aime bien aussi les maths. C’est vrai qu’elles sont parfois belles (sauf le nombre 56 et la table de 8, d’après une de mes conversations récentes, mais c’est annexe…). C’est vrai que je me laisse parfois emporter. Mais faire des maths toute ma vie ? Je ne sais pas.
« Tu aimes les maths et la littérature ? Eh ben étudie les maths, et lis des livres à côté. »
No comment.

No comment, et pourtant. Bien sûr que le commentaire n’est pas parfaitement stupide, bien sûr qu’il peut être réaliste vu le marché et la réalité. Mais il est à ajouter à la liste des réfléxions qui ont brisé l’illusion qu’une chose pouvait être faite pour moi, qu’il y avait peut-être une réalité
- Dans laquelle les figures d’autorité me comprenaient et pouvaient m’apporter une aide
- Dans laquelle je pourrais me sentir accomplie.
Et vous savez-ce que je fais aujourd’hui ? Je bosse dans l’informatique, et je lis des livres à côté.
Et tellement plus, aussi.
J’ai fini par faire une prépa littéraire B/L, avec des maths avancées, des sciences sociales et de la littérature. J’imagine que le conseiller d’orientation n’en avait jamais entendu parler, il n’y en avait que deux dans notre ville, et elles n’existaient que depuis trente ans !
Puis une école d’ingénieurs, avec de la psycho, de l’ergonomie, des sciences humaines. En gardant toujours la diversité, sans jamais vraiment apprécier une matière. Parce que je pensais que je devais les trouver intéressantes, et pas parce que je les trouvais effectivement intéressantes.
Puis le travail, la déprime. La liste de livres lus qui s’allongeait. Les questionnements. Je progressais. J’avais toujours seize ans, quelque part dans ma tête, j’étais arrivée là au hasard, je doutais de mon existence.
Mais au moins, je pouvais rire d’avoir un jour reçu ces trois sentences :
- Il n’y a aucun métier fait pour toi
- Le seul métier fait pour toi, c’est clown
- Fais des maths, et lis des livres pour être heureuse.


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